L'Homme, centre (pensant) de l'univers ? Quelques réponses aux arguments faisant de lui la seule espèce vivante de l'univers

mis à jour le 2 /02/ 2008




J'analyse ici les arguments développés par Mr C. Magnan, professeur au collège de France et à l'université de Montpellier, basés sur le faible nombre de planètes qui, ramené à la faible probabilité de voir la vie se développer (selon les arguments de Th. Monod, prix Nobel, repris par lui) conduit à la conclusion que les planètes ne sont pas assez nombreuses pour que la vie existe ailleurs que sur Terre.

Je traite ensuite des arguties de Brownlee et Ward qui pensent que la seule vie extraterrestre est microbienne, et que l'intelligence, la conscience, n'est apparue que sur Terre. Passons outre la dimension "philosophique" des conclusions de Magan qui remet l'homme, en sorte, au centre de l'univers: c'est bien la peine de railler le principe anthropique pour lui substituer un "principe biotropique", comme nous l'allons voir. Décidément, Copernic doit encore s'imposer! Voici les arguments commentés des modernes Ptolémée de la biologie...

L'argument selon lequel il y a beaucoup de planètes dans l'Univers ne tient pas. Notre Galaxie en contient tout au plus un millier de milliards. Ce nombre est extrêmement faible dans le contexte d'un calcul de probabilités : il représente le nombre moyen d'essais à effectuer pour tirer au sort une courte suite de seulement douze chiffres. Si la chance de trouver le chemin de la vie équivaut à celle de sortir un numéro bien plus long, alors il est inconcevable que la vie ait pu naître ailleurs par hasard dans l'Univers.

* Comme le dit C. Magnan, "
Si la chance de trouver le chemin de la vie équivaut à celle de sortir un numéro bien plus long (que douze chiffres)..." Mais justement, d'après nos connaissances en biologie, le chemin de la vie est bien plus simple à trouver que douze chiffres... (là, nos contradicteurs s'étouffent)
* Un millier de milliards de planètes par galaxie n'est pas un nombre négligeable à priori. Il le devient si on le place dans un contexte de probabilité, ou plus exactement, de tirage au sort. Or, les processus physico-chimiques à l'oeuvre lors des réactions de chimie prébiotique
ne sont pas des phénomènes aléatoires, mais ils suivent les lois de la chimie et de la thermodynamique: une réaction chimique ne s'accomplit pas au hasard, son résultat ne dépend que des réactifs en présence et des conditions initiales, non d'un déterminisme probabilistique qui se justifie certes à l'échelle quantique, mais pas biochimique!

"
La question de l'apparition de la vie se pose pour la science contemporaine en termes de probabilité."
* Pas du tout! Contre exemple: le génome de la bactérie E. Coli contient 3x106 paires de bases. Chaque fois que la bactérie se reproduit, ce génome est recopié sans erreurs (à quelques mutations près). Soit une suite de 3x106 éléments; quelle est la probabilité pour que ces éléments soient retrouvés dans le même ordre à partir d'un mélange (les nucléotides précurseurs) ? Elle est infime! (je vous laisse la calculer) Certains en déduiraient donc que la reproduction des bactéries est impossible. Pourtant, elle s'accomplit! Pourquoi ? Tout simplement parce que le doublement du génome n'est pas un phénomène aléatoire! Un calcul de probabilités dans ce cas là n'a donc aucun sens !

"
En effet, il est impossible en l'état actuel de nos connaissances d'identifier la moindre trace de déterminisme dans la suite des Événements qui ont conduit l'apparition de la vie sur Terre. Et cette absence de déterminisme, la science la nomme "hasard"
* Il ne s'agit pas de probabilités, mais de physique et de chimie classique! Raisonner ainsi c'est confondre le modèle et le réel dans un cas ou le modèle ne s'applique pas!
*
Une expérience in vitro pour montrer cela: on utilise une enzyme d'origine virale, la Q réplicase, pour reproduire une séquence S d'ARN Le tube de départ S0 contient S, des nucléotides triphosphatés servant de "briques" et l'enzyme. Toutes les 30 mn, on prélève une fraction du mélange réactionnel et on l'incorpore dans un tube contenant de l'enzyme et des nucléotides triphosphatés. On obtient S1. On continue ainsi jusqu'à S100. Comme l'enzyme produit des erreurs de réplication (1/10000), on s'attend à aboutir à une population polymorphe d'ARN, avec une sélection aboutissant à la prédominance de séquences courtes, rapidement répliquées, et de séquences de forte affinité pour l'enzyme. En somme, comme dirait Magnan, les erreurs se produisant au hasard lors de la copie, on doit retrouver un ensemble de séquence obtenue au hasard, sans déterminisme. Manque de chance pour les Magnan - imes, on obtient une population très homogène de séquences Sh différentes de S... De plus, on obtient Sh quel que soit S, pour peu que les conditions de départ soit identiques... Autrement dit, il y a eu de façon quasi déterministe (t'étouffe pas, Magnan!) sélection d'une forme particulière d'ARN parmi les 10(120) possibles... Inutile donc d'essayer toutes les possibilités (on avait au maximum 1016 molécules d'ARN/tube, soit 10(18) essais tout au plus...) pour arriver à un résultat a fortiori hautement improbable... La sélection naturelle s'appliquant aux molécules elles-mêmes aboutit donc à un ensemble de processus quasi déterministes. Monod pouvait l'ignorer à son époque, pas Magnan.
* A entendre certains, le calcul des probabilité de l'apparition de la vie se ramène au cas suivant: quelle est la probabilité pour qu'une cellule eucaryote (voire un être humain complet, qu'on appellera, au hasard, Adam...) apparaisse ex nihilo à partir d'une "solution" de molécules organiques... Évidemment, elle est infime, et dans ce cas nous serions seuls dans l'univers... mais halte-là ! Ce n'est pas ce qui c'est passé (certains feignent de vouloir le croire!).
Tout raisonnement qui se veut logique doit prendre en compte l'évolution et la sélection naturelle, même au niveau moléculaire!
* En fait, Mr Magnan réalise ici un parfait exemple de raisonnement a posteriori. Je laisse ici la parole à un scientifique que l'on ne saurait taxer de manque de rigueur, le professeur Broch, pourfendeur des parasciences: "Lancez 30 fois une pièce de monnaie et notez les résultats pile/face. Demandez-vous ensuite (a posteriori) la probabilité d’obtenir un tel tirage. Une chance sur 2 à la puissance 30, soit une chance sur un milliard environ, et ce quel que soit votre résultat. Une chance sur un milliard cela paraît très faible et pourtant tous les lancers réalisables ont cette même probabilité de sortir. La série de pile/face n’est donc qu’une série parmi tant d’autres." Tout comme la vie terrestre n’est qu’une forme de vie parmi tant d’autres.

*
On peut distinguer deux parties principales dans cet enchaînement de circonstances, d'une part l'histoire qui conduisit à la formation de la planète Terre avec des conditions spéciales propices à l'avènement de la vie et d'autre part la suite de hasards qui à partir de ces conditions fit naître la vie. Restera ensuite le long cheminement, en apparence dénué de but, qui verra surgir l'espèce humaine.

* Tiens donc, des "
conditions spéciales propices à l'avènement de la vie", cela ne vous rappelle rien? Certains (ânes bâtés) parlent ainsi du big bang... autrement dit, revoilà le principe anthropique qui montre le bout de son gros nez ! C'est confondre ici la cause et l'effet: la vie s'est développé sur Terre en fonction de l'environnement qu'elle y a trouvé, et ce n'est pas la planète qui était "prédestinée" à la vie, mais bel et bien la vie qui s'y est adaptée (et l'a transformée de manière radicale!)
* Une "suite de hasard qui fait naître la vie"... Point du tout! l'apparition de la vie sur Terre a été extraordinairement rapide!
Le principal problème, eu égard à la durée mise à le résoudre, n'a pas été le passage du minéral à l'organique, mais bel et bien celui de la structure bactérienne à la structure eucaryote! Si les probabilités d'apparition de la vie avaient été si infimes, alors l'apparition des premières formes de vies aurait-elle pu se produire si tôt, quoi qu'en ait dit Monod en 1970? C'est ici que nos approches divergent: C Magnan considère le développement de la vie comme hautement improbable, alors que selon moi elle découle des lois de la physique, et est très probable dans des conditions variées! Autre "détail": C Magan semble tenir pour négligeable les découvertes scientifiques effectuées en biochimie ces 30 dernières années... ne serais ce pas là une attitude fortement "machiste" (quant on connait le personnage, on s'esclaffe!) que de dénier toute importance aux faits qui ne s'accordent pas avec ses convictions?

La première partie du calcul relève de l'astrophysique : il s'agit d'estimer la chance qu'une étoile se dote d'un système planétaire, puis la chance qu'une de ses planètes, de dimensions convenables, développe l'environnement favorable à la vie, avec la température voulue, la composition chimique voulue, l'indispensable présence d'eau liquide, la juste proportion de terres et de mers, l'atmosphère qu'il faut, etc.
* Voici encore une approximation bien gentillette: comme la seule vie que nous connaissons n'existe que sur Terre, alors elle ne peut exister que sur une planète qui ressemble à la Terre... RIEN ne permet de penser que la vie ne peut pas se développer dans des environnements très différents de celui que nous croyons connaître.
* C'est
une vue finaliste, un "principe biotropique" de vouloir que les conditions de formations de la Terre soient précisément ajustées (par qui?, suivez mon regard...) pour permettre le développement de nos formes de vie.
* Sur notre planète seule, l'éventail de l'adaptation des formes de vies révèle toutes leurs capacités: vie dans
des milieux très acides, sans oxygène, sous forte pression, dans les roches, dans les hydrocarbures, les champs de radiations gamma....Ainsi, le développement de la vie peut fort bien s'être réalisé sur les planètes joviennes, ou les composés organiques et les sources d'énergie sont légion! Simplement, les formes de vies ne ressemblent pas aux nôtres, pas plus qu'une bactérie chimiolithotrophe ou un vers vestimentifère ne nous ressemblent !

À vrai dire, les astrophysiciens sont encore bien incapables de mener à bien de tels calculs d'autant que les planètes autour d'étoiles autres que le Soleil sont encore inaccessibles aux techniques d'observation contemporaines.
* Encore une erreur puisque l'on peut indirectement détecter les planètes joviennes autour des étoiles proches... pour le moment. Décidément, C. Magan semble peu au courant de l'activité des scientifiques qui, au lieu de se contempler le nombril en se disant qu'ils connaissent "toute la physique utile", continuent de scruter le ciel..

On connait donc très mal les exigences à satisfaire en matière de planètes potentiellement porteuses de vie (pourtant, elles sont mentionnées dans le paragraphe déjà commenté!) mais il est clair qu'une biosphère ne peut pas apparaître sur n'importe quelle planète.
* Entièrement d'accord: des conditions minimums doivent être réunies pour l'apparition de la vie (3): molécules organiques (endogènes ou exogènes), un solvant (pourquoi seulement de l'eau, malgré les caractères exceptionnels de cette molécule?), des sources d'énergie.

La présence d'eau liquide sur Terre, que l'on considère comme le minimum indispensable à exiger d'une candidate à la vie, est peut-être l'exception définitive parmi les milliards de planètes concurrentes. Par exemple ni Mars ni Vénus, pourtant de taille tout à fait comparable, et située à une distance du Soleil voisine de celle de la Terre, n'ont vécu de telles circonstances propices à l'apparition de la vie.
* De jolies généralisations abusives! Mars a connu dans le passé de l'eau liquide (5), même si elle ne l'a pas conservée (et encore, même cette croyance est soumise à discussion actuellement, la présence de terrains fluides hydratés devenant, au vu des structures observées par Mars global Suveyor (7), extrêmement probable! La vie a pu débuter sur cette planète, ou un océan d'une profondeur comprise entre 10 et 100 m a pu se former, ainsi que des mesures altimétriques semblent le montrer (et le situer dans l'hémisphère nord) . Même si les indices trouvés sont sujets à caution (météorite ALH), l'étude du climat de cette planète et de ses formations géologiques implique l'existence d'anciennes étendues d'eau ayant perduré un temps significatif à sa surface! Europe semble aussi contenir de l'eau liquide... Plusieurs planètes joviennes ont été détectées, donc si elles ont des satellites, pourquoi ceux-ci ne présenteraient-ils pas les conditions favorables à la vie? Loin de leur étoile, de l'énergie peut cependant leur être communiquée par les effets de marée dues à la planète jovienne...

On a reconnu que plusieurs circonstances s'étaient présentées par pur hasard dans l'histoire de la Terre et avaient joué un rôle-clé dans l'apparition de la biosphère. Voici deux exemples de ces événements miraculeux.
* c'est étonnant, je ne connais que "Dieu" par faire des miracles... (ceci est un argument à la Douglas Wenbauw, j'assume, je ne sais pas résister à un effet de manche)

Premièrement, la Lune a stabilisé par effet de marée la position de l'axe de rotation de la Terre sur elle-même . Certains scientifiques pensent que c'est une aventure fatale de cet ordre qui a privé Mars de son atmosphère initiale , interdisant le développement de toute vie.
* D'autres scientifiques (moins scientifiques que les autres, bien sûr) pensent tout simplement que si Mars n'a pu conserver son atmosphère, c'est surtout en raison de sa faible masse!

En revanche, la Lune ayant cadenassé l'axe de rotation terrestre en l'empêchant de sauter d'une position à l'autre, les saisons seraient restées relativement stables sur Terre, assurant la Clémence suffisante des conditions climatiques. Le concours miraculeux de la Lune est fortuit. On sait depuis peu de façon quasi certaine que celle-ci s'est formée après que la Terre très primitive eut subi l'impact d'un énorme astéroïde lui ayant arraché une part importante de sa masse.
* plusieurs objections peuvent être soulevées contre ce "miracle":
o les collisions étaient loin d'être des événements rares dans le système solaire primitif (1)! Toutes les planètes en portent la trace. Il est donc fort possible que dans d'autres systèmes solaires, des lunes se forment. Dans notre propre système, le couple Pluton/Charon existe bien, non?
o une collision semblable à celle subie par la prototerre pourrait expliquer la géologie de Vénus (6). Dès lors, ces collisions avec de gros planétoïdes ne semblent plus si exceptionnelles, non ? Et cela pas seulement dans notre système solaire...
o la stabilisation de l'axe de rotation n'est pas indispensable au maintien de la vie. Celle-ci est douée d'une faculté d'adaptation à des conditions très diverses: au travers des glaciations, mais aussi de 5 crises majeures (dont une, au Cambrien, détruisit 90% des espèces vivantes!), elle s'est maintenue et diversifiée. Une lente variation de l'axe de rotation terrestre ne semble pas de nature à empêcher le développement de la vie une fois celle-ci apparue...

La deuxième circonstance favorable semble avoir été la présence dans notre système solaire de planètes géantes qui ont, par leur action gravitationnelle, nettoyé l'environnement de la Terre des nombreux astéroïdes susceptibles de la bombarder. Des collisions, il y en a eu certes, après la formation de la Lune, à raison d'une en moyenne tous les cent millions d'années (dont celle qui a été à l'origine de la disparition des dinosaures), mais en l'absence de Jupiter et Saturne, c'est mille fois plus (donc tous les cent mille ans) que nous aurions eu à subir, avec la disparition de toute trace de vie.Que de chances pour notre Terre ! Seulement, quelle est la proportion de systèmes planétaires dans laquelle de tels miracles se sont reproduits ?
* Les planètes joviennes sont répandues dans les autres systèmes solaires: malgré nos moyens très limités, on en connait actuellement une bonne vingtaine: quant un système solaire se forme, il contient apparemment des planètes joviennes et des astéroïdes aptes à former des lunes... bien qu'elle ne soit pas, à mon sens , indispensables!

Face à son ignorance, la science serait bien malhonnête d'oser prétendre que toute planète située dans des conditions jugées favorables au départ (on avoue enfin!), à savoir dans une situation grosso modo identique à celle de la Terre, se dotera forcément d'eau liquide.
* On ne peut dire non plus le contraire... L'avenir tranchera. Il semble cependant que plus de 40% de l'eau des océans soit d'origine cométaire (1), et donc que cet apport d'eau exogène se soit produit sur la plupart des planètes, ici (dans notre système), mais aussi dans les autres systèmes planétaires! En effet, les comètes semblent bien se former dès qu'il y a formation de planètes...

On n'a pas détecté d'eau liquide dans l'Univers.
* Bien que la molécule d'eau soit répandue, il est vrai que l'eau liquide est rare dans notre système solaire. Mais dire que l'on n’en a pas détecté frise la menterie! Outre Europe, satellite de Jupiter, des gouttelettes d'eau liquide (hé oui, pas des océans avec des plages et des baigneuses...) sont présentes dans les atmosphères des planètes géantes...

Ainsi, en ce qui concerne la préparation (Par qui ?) d'un lieu d'accueil possible de la vie, tout concourt à prouver que la Terre a vécu une histoire unique en son genre. Et étant donné le nombre cruellement limité de planètes et le nombre au contraire élevé d'exigences, il n'est pas certain que cette série d'événements fortuits ait pu se reproduire ailleurs.
* En effet, l'histoire de la Terre est unique, mais cela n'implique pas que la vie est unique! Cela implique seulement que les formes de vies telles que nous les connaissons actuellement n'ont pu apparaître que sur notre planète, au vu des multiples contingences qu'elle a subies, et c'est tout!
Comme le mentionne le spécialiste de l'évolution S.J. Gould, de Harvard (
comme les 8 doigts de la main, Seuil, 406): "Les découvertes paléontologiques, depuis le milieu des années 1950, ont fait voler en éclat le consensus antérieur (celui de Magnan!) - qui n'avait jamais exprimé autre chose que notre espoir d'unicité- selon lequel la vie est extrêmement improbable et n'est apparue qu'à la faveur de durées géologiques suffisamment longues pour que des évènements très rares ait eu la possibilité de figurer en nombre appréciable. D'après cette conception, aujourd'hui abandonnée, la vie serait apparue relativement tard dans l'histoire de la Terre (...) Mais on a maintenant trouvé des organismes unicellulaires simples dans des roches de tout âge, et en particulier dans les plus anciennes susceptibles de contenir des traces de vie (...) Ces observations ne constituent pas des preuves absolues, mais quelle leçon en tirer sinon que la vie, apparue dès qu'elle a pu, était chimiquement inéluctable, et n'a nullement été le résultat très peu probable d'une série de coups de chances."


D'autres considérations du personnage portent sur la faible chance de voir apparaître la vie, ce qui revient à dire que nous n'existons pas (diable de métaphysique!). En effet, bien qu'un événement improbable puisse se produire (un numéro est bien tiré au loto, même si on ne peut prévoir lequel), cet événement reste reproductible tant que les conditions initiales ne varient pas trop (pour rester dans les aphorismes de la Française des jeux, je dirai qu'il y a malgré tout plusieurs tirages par semaine!) Arguer de la faible probabilité de prévision des chiffres du loto pour présumer de l'impossibilité de procéder à plusieurs tirages successifs, ce n'est plus de la science, c'est un biais idéologique! Étrange inaptitude de l'esprit critique qu'entraîne la volonté de croire...

D'anciens travaux de biologistes pétris d'idéologies suspectes voudrait faire croire que les processus de la chimie prébiotique sont de nature aléatoire: ce n'est pas le cas!
il existe un déterminisme, et celui-ci est donné par ce que nous convenons d'appeler les lois de la physique: si je fais un effort (même intellectuel, cela m'arrive parfois), mon organisme ne va pas réagir "au pif" (heureusement!).

Il est certain que la probabilité d'obtenir une bactérie dans un seau en vidant dedans tous les ingrédients qui la constitue est plus que faible (4), mais ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées! Si l'on raisonne ainsi, alors la vie est impossible, non pas seulement ailleurs, mais aussi ici! Serions-nous les rêves d'un dieu endormi ? ("oui , scarabée, prisonnier d'un référentiel onirique galiléen, nous ne pouvons concevoir les modifications externes du système... ")

Pour l'heure, la vie échappe complètement à la science.

Voilà un jugement typique, résultat d'un cloisonnement entre les disciplines scientifiques qui aboutit , comme je l'ai mentionné par ailleurs, au dénigrement systématique de tout ce qui n'est pas la spécialité de celui qui parle... Évidemment, il faudrait définir ce que l'on entend par science et par vie (léger détail!). Mais n'oublions pas que Mr Magnan connaît "toute la physique*" (heureux homme!) alors qu'en biologie, nous avons vu qu'il lui restait du chemin à faire. Furieux de voir l'étendue du chemin à parcourir, il préfère planter là sa tente et dissuader les autres d'aller plus loin, puisque la science s'arrête chez lui...
* * Citation tronquée (j'avoue!), l'intégralité parlant de physique "utile" ect... a hurler de rire quant on connaît un tant soit peu l'histoire de la physique...


Quelques certitudes scientifiques... tirez vous même vos conclusions!
* La vie existe sur Terre (voici un truisme qui fait avancer l'exobiologie à pas de géant !)
* Elle est basée sur des éléments chimiques et des molécules identifiées dans tout l'univers observé
* Elle est apparue "rapidement ":
moins d'un milliard d'années après la formation de la Terre... le passage à des cellules à noyau a réclamé 3 fois + de temps ! (si l'apparition de la vie était si improbable, pourquoi a t'elle été aussi rapide?) , ce qui laisse penser qu'elle était inéluctable.
* Les différentes formes de vies proviennent d'une forme ancestrale unique par évolution.
* Les réactions chimiques à la base du vivant suivent les mêmes lois que les autres...
* Des molécules organiques existent ailleurs dans l'univers. On a pu réaliser leur synthèse en laboratoire dans des conditions rappelant celles de la Terre primitive. Elles peuvent alors se combiner pour conduire à des polymères que l'on retrouve dans les êtres vivants.
* Il existe d'autres systèmes planétaires dans notre galaxie.



"L'exception terrestre", "l'Eden" de Brownlee et Ward

Examinons, sans rire, les arguments de ces deux comiques qui pensent que la vie autre que microbienne n'existe pas en dehors de la Terre:

1 - "le soleil est une étoile exceptionnellement stable, atypique"
Dans notre galaxie, environ 10% d'étoiles ressemblent au soleil. De plus, si il en existe de plus massives, il en est aussi de plus légères qui vivront bien plus longtemps que lui. Cette affirmation est donc une sacrée..nnerie!

2 - "la Terre est dans une zone habitable"
Voila un truisme qui sent le moisi: habitable par qui, pour qui ? les conditions d'apparition de la vie sur Terre était loin d'être "édeniques"! Nos formes de vies se sont adaptées à l'environnement terrestre, ce n'est pas celui ci qui était "prédestiné" (par qui?) à accueillir la vie. Nul ne sait si la vie ne peut se développer dans d'autres conditions, et l'étendue de la "zone habitable" reste à ce jour inconnue. Nos deux compères disent aussi que nous sommes dans une "bonne région" galactique, sans étoiles trop proches... notre situation galactique n'a rien d'exceptionnel, cependant, et l'analyse des composés du système solaire montre qu'une ou plusieurs supernovae ont explosé dans notre voisinage sans pour autant stériliser la planète! On retrouve là les arguments de Wallace, datant de 1903...

3 "La Lune est indispensable"
Même Laskar en rigole ! Il est possible d'avoir des orbites stables sans satellite massif. Pour la Terre, la Lune est indispensable, mais la formation de cette dernière à partie d'un impact laisse aussi la possibilité que les "lunes" ne soient pas si rares...

4 "Jupiter nous protège des chocs de météores et comètes"
Malheureusement pour nos deux compères, les jupiters ne sont pas rares autour des étoiles: on en connaît plus d'une centaine (ce sont même les seules planètes que nous pouvons détecter). Donc l'effet protecteur doit aussi se manifester dans d'autres systèmes planétaires, peut être même davantage vu que les planètes détectées sont encore plus massives que Jupiter...

5 "les éléments chimiques du vivant sont rares dans l'univers"
Monstrueuse couillonnade ! Toutes les études du milieu interstellaire montrent que des molécules organiques y sont largement répandues. Les éléments disponibles sont, d'après les observations, les mêmes partout (pour un même âge cosmologique). De plus, ces molécules montrent une résistance extrême :
Achim Tappe, du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics a découvert en utilisant le spectrographe IR du télescope spatial Spitzer des hydrocarbures polycycliques aromatiques (les PAHs) dans les débris d'une supernova (N132D, située à 163000 AL de nous, dans le grand nuage de Magellan), ce qui montre que ces molécules sont susceptibles de résister (voire d'être créées au cours ) à un phénomène des plus destructeurs connus de l'astrophysique ! (Astrophysical Journal, 10/12/2006)

6 "la tectonique des plaques est un des moteurs de l'évolution"
C'est sans doute vrai en grande partie, mais qu'est ce que cela change ? Rien n'interdit à d'autres planètes telluriques d'avoir une tectonique! Des reliefs témoignant d'une ancienne tectonique des plaques ont été identifiés sur Venus et Mars, soit les 3/4 des planètes telluriques connues (mais notre échantillon est bien trop faible pour considérer cela comme général). De plus, même sans tectonique, des reliefs se créent sur une planète, à cause de son réseau hydrographique... elle ne devient pas "lisse" de suite! C'est donc, à la limite, plus un "accélérateur" qu'un moteur...

Conclusion: nos deux catéchumènes peuvent aller faire brûler des cierges, leurs arguments se révélant par trop biodégradables...

Un argument des deux compères est plus intéressant: l'évolution des organismes étant contingente, rien ne dit qu'elle conduit obligatoirement, à partir des bactéries, à l'intelligence, puis à la conscience. C'est l'argument le plus sérieux, mais il pêche par de nombreux points: en effet, sur notre propre planète, l'intelligence est apparue plusieurs fois, de plusieurs façons différentes dans des groupes animaux très divers: chez l'humain, mais aussi chez d'autres primates, des cétacés et certains oiseaux; mais également sous une forme "collective" chez les insectes sociaux. Pour ce qui est de l'apparition de la conscience, les résultats de la paléontologie nous montrent qu'il a existé dans le passé plusieurs espèces conscientes, dont seul subsiste homo sapiens. De même, la conscience existe sans doute chez certains cétacés et primates, comme de récentes expériences semblent le confirmer. Évolution semble bien, au-delà de ses vicissitudes, permettre l'émergence de l'intelligence et de la conscience. Par contre, il est vrai qu'elle ne conduit pas obligatoirement au développement de la technologie, mais qu'une chance raisonnable de la voir se développer doit cependant être envisagée.

Brownlee et Ward commentent d'autres erreurs, en particulier lorsqu'ils pensent qu'il y a obligatoirement augmentation de la complexité dans l'évolution: le niveau de complexité du vivant reste étonnamment stable, en fait, entre les différentes espèces.

Ils avancent aussi (avec quelque raison ?) que la difficulté du passage du stade bactérien au stade pluricellulaire (qui a occupé les 85% de l'histoire de la vie sur notre planète !) peut diminuer le nombre d'organismes complexes évoluant à partir de bactéries. cet argument serait recevable si ce délai était uniquement du à l'évolution, mais d'auteurs facteurs (teneur de l'atmosphère en dioxygène, par exemple, qui doit devenir suffisante pour que la "colle"- le collagène - qui relie les cellules ensembles puisse être synthétisé) peuvent être entré en jeu.


Le magazine astrobiology a organisé un débat en 6 parties entre Browlee, Ward et de nombreux (et célèbres pour ceux qui m'ont lu!) spécialistes. A noter, la "rare cat hypothesis" de D. Grinspoon. Même si je regrette que trop peu de biologistes y participent (seul Simon Conway Morris y intervient), ce débat est passionnant et rédigé dans un anglais accessible.

grand débat



A noter: l'exemple du singe qui tape à la machine est une récurrence des créationnistes US qui, n'ayant rien compris à la théorie de l'évolution, s'en servent pour "démontrer" qu'elle est impossible... Il provient en fait de l'évolutionniste Julian Huxley.

Si la science ne se définit (vision étroite de certains mathématiciens égarés dans la physique) comme étant l'ensemble des disciplines soumises au contrôle mathématique, à leur déraisonnable efficacité, alors certes, la biologie dans son entier n'est pas une science. Pour moi, cette définition est incomplète.

La science, c'est un état d'esprit basé sur une méthode, qui nécessite de l'imagination, des hypothèses, le verdict de l'expérience ou de l'observation. Pour le moment, ce verdict nous est refusé (pour le problème de la vie extraterrestre) et nous en sommes réduits à des hypothèses plus ou moins bien étayées. Que nous ayons tort ou raison, l'essentiel est de confronter des idées différentes, des approches concurrentes pour découvrir une vérité qui nécessairement sera fugace.

Et cela, cette appartenance à un processus de complexité dont nous ne sommes que des acteurs infimes, nous pouvons l'appeler la vie. La vie par laquelle l'univers accède à la conscience.


Références
* 1 - Collisions dans le système solaire. P. Benjoya, Belin 1998
* 2 - La vie dans les milieux extrêmes . Dossier Pour la Science, 10/1994
* 3 - Les frontières du vivant. La Recherche, 02/1999
* 4 - Les briques de la vie. Bernstein, Sandford et Allamandola. Pour la Science 262. 08/1999
* 5 - Les changements climatiques sur Mars. Kargel & Strom. Pour la Science 231. 01/1997
* 6 - Le climat variable de Vénus. Bullock & Grinspoon. Pour la Science 259. 05/1999
* 7 - Evidence for recent groundwater seepage and surface runoff on Mars. M.C.Malin & K.S. Edgett. Science 288 - 30/06/2000 - 2330-2335