Une "aurore de pierre" : nos ancêtres les minéraux

6/02/2008




- 1951 - JD Bernal propose l'intervention des argiles dans la synthèse des molécules prébiotiques. Ces dernières auraient collecté et concentré les molécules apparues en solution dans les océans. (1)

- 1982 - AG. Cairns-Smith propose une intervention des minéraux dans l'histoire de la vie (2). Ses idées proposent un rôle pour l'argile dont les cristaux permettent une réplication avec erreurs, donc la possibilité d'une évolution.

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- 1988 - G Wachtershauser propose une origine minérale à la vie (3) : a la surface de cristaux de pyrite, des molécules organiques se fixent pour former des "métabolistes" qui tirent leur énergie du sulfure de fer. Ils produisent ainsi de la matière organique à partir de minéraux. La croissance de cristaux de pyrite fournit une division primitive qui permet la reproduction du "métaboliste" par divisions successives.
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W. Wachtershauser

- C de Duve montre l'intérêt d'organismes utilisant des composés soufrés pour produire les acides ribonucléiques, et donc l'ARN.

- Folk puis Uwins mettent en évidence l'existence de nano-organismes liès aux processus de minéralisation.

* 2006: D Deamer montre que si les argiles fixent bien les groupements phosphates des AN, cette fixation est sans doute trop forte pour permettre une libération éventuelle des AN fixés dans un milieu réactionnel. (4)

Morowitz (
Morowitz & al., 2000, 2004) a proposé un ancêtre du métabolisme constitué d’un cycle de réduction de l’acide citrique (faisant intervenir une suite carbonylation / carboxylation / réduction) sans enzymes.
Le bilan des réactions est: citrate + 6 CO2 + 9 H2 --> 2 citrates + 5 H2O, le cycle nécessitant 11 étapes différentes catalysées par des minéraux.

DS Ross (2007) considère ce cycle comme peu probable, car les intermédiaires (pyryuvate-oxaloacetate-malate) ne seraient pas assez stables et les catalyseurs minéraux trop peu efficients.
L’oxaloacetate se decarboxyle rapidement en solutions aqueuses, par exemple, ce qui implique une conversion très rapide ou, comme ne semble pas l’avoir réalisé Ross, un milieu non aqueux.
La demi-vie de l’acétate a 25 °C en présence de Ca-montmorillonite est d’environ 25000 ans, ce qui laisse tout le temps pour une décarboxylation parasitant fatalement les réactions envisagées: les catalyseurs minéraux ne sont pas assez efficaces, dans les conditions étudiées, pour éviter ce fatal écueil.
DS Ross a effectué des calculs de constantes cinétiques, mais dans des conditions peu réalistes par rapport à l’environnement de la Terre primitive:
- une température de 300 K (alors que la Terre primitive a été soit très froide, soit bien plus chaude)
- une pp CO2 de 1 bar, alors qu’elle a pu être plus élevée d’un à deux ordres de grandeur (déplaçant donc l’équilibre de la réaction dans le sens du cycle).
- un pH neutre des solutions aqueuses (avec une telle pp de CO2, c’est une vision de l’esprit!)

Par contre, DS Ross remarque avec raison:
- que la conversion Oxaloacétate-malate réclame une spécificité peu commune, jamais observée avec des catalyseurs minéraux,et que, malgré des conditions discutables, la détermination de la cinétique de la réaction implique qu’ “à 1 bar de CO2, avec un catalyseur Pd/C pur et 1 mM de phosphinate, il faudrait un milliard d’années pour convertir la moitiée du pyruvate en malate”.
- que la réaction
CO2 +H2 + acetate --> H2O + pyruvate est endergonique et necessite 92 kJ/mol, alors que l’hydrolyse des pyrophosphates, pressentis comme source d’énergie par l’équipe de Morowitz, ne fournirait que 14 KJ/mol...

Les réactions de carboxylation, selon Ross et de nombreux biochimistes, ne peuvent avoir qu’une origine enzymatique... ce qui revient à soutenir une hypothèse selon laquelle le métabolisme est apparu après l’information génétique, et non pas avant... Dans ces conditions, on voit mal comment les premiers systèmes vivants auraient pu maintenir leur intégrité sans un métabolisme, qui doit être selon moi recherché avec des molécules bien plus simples et courantes que celles qui entrent encore de nos jours dans le cycle de Krebs!


1 - The physical basis of life, 1951
2 - Genetic takeover and the mineral origin of life, 1982
3 - Wachtershauser G - system. Appl. Microbiol. 10, 207, 1988
Huber C, Wachtershauser G: Activated acetic acid by carbon fixation on (Fe,Ni)S under primordial conditions. Science 1997 Apr 11; 276(5310): 245-7
Wachtershauser G - The origin of life and its methodological challenge. J Theor Biol 1997 Aug 21;187(4):483-94
Life on Earth ’unlikely to have emerged in volcanic springs’ - the royal society, 13 Feb 2006
Morowitz HJ, Kostelnik JD, Yang J, Cody GD (2000) The origin of intermediary metabolism. Proc Natl Acad Sci USA 97:7704 –7708
Smith E, Morowitz H (2004) Universality in intermediary metabolism. Proc Natl Acad Sci USA 101:13168 – 13173
David S. Ross. The Viability of a Nonenzymatic Reductive Citric Acid Cycle – Kinetics and Thermochemistry. Orig Life Evol Biosph (2007) 37:61–65





Avantage:

Les composés soufrés permettent de dégager une voie de synthèse des précurseurs de l'ARN (seule cette voie conduit à l'ARN !)

Problèmes à résoudre:

La chimie des composés soufrés est mal connu (car peu étudiée). Des expériences restent à faire... Qui osera? Les conditions initiales réclament chaleur, forte pression et minéraux: cela correspond aux conditions régnant près des sources hydrothermales profondes, mais aussi dans les profondeurs minérales des lithosphères planétaires...