De l'importance d'être
constante
Octobre 2009
Pour résoudre des
problèmes nouveaux, il devient peut-être nécessaire de
remettre en cause certains fondamentaux de la physique.
Faisons le point sur ces tentatives révolutionnaires ainsi
que sur les difficultés rencontrées par ces nouvelles
conceptions qui proposent des variations, dans le temps ou
dans l'espace, des grandeurs jusqu'ici considérées comme
constantes. Nous verrons que les promoteurs de ces
conceptions ont eu a affronter un rude tir de barrage,
avant de se voir rejoints par leurs anciens ennemis
alléchés par les perspectives qu'ils ont défrichés parfois
au péril de leur carrière. Afin de s'aventurer sereinement
dans ce champ de mines conceptuelles, espionnons donc la
conversation de deux physiciens, Jack et Algernon, un
samedi, après une indispensable réunion sur les célèbres
supercordes...
Jack: Tu ne dis que des absurdités
Algernon: C'est ce que tout le monde fait, dans le domaine
des supercordes, et peu de physiciens y trouvent à redire!
- mais les constantes, par définition même, ne peuvent pas
changer! C'est encore une lubie de jeunes astrophysiciens
sans grands talents qui veulent se faire remarquer.
- Malheureusement pour toi, le premier à avoir eu cette
idée n'a rien rien d'un perdreau de l'année en quête de
crédits: c'est Dirac lui-même, le découvreur de
l'antimatière, qui a présenté cette hypothèse dès 1937 (1).
Dirac avait calculé, d'après les éléments dont il disposait
à son époque, des rapports entre l'âge de l'univers et les
différentes forces s'exerçant dans les atomes d'hydrogène,
entre un proton et un électron. Il avait ainsi obtenu des
nombres sans dimension (c’est à dire sans unités, dont
l’expression et la valeur ne dépendent pas des unités de
mesure choisies) et constaté une coïncidence
troublante: alors que l'âge de l'univers exprimé en nombre
de tours effectués par un électron autour d'un proton était
voisin de 1040, la
valeur de la constante de gravitation G déduite de ces
mêmes atomes était très proche de 10-40, soit l’inverse. Ainsi, la
force de la gravitation serait proportionnelle à la force
électromagnétique divisée par l’âge de l’univers.
- Simple coïncidence, du même genre que celle des
dimensions des pyramides d’Égypte avec la durée de l’année
ou le nombre pi : je trouve les mêmes correspondances
en mesurant ma baignoire !
- Dirac ne pensait pas qu’il s’agissait de coïncidences,
pour lui, c’était une indication que G variait selon
l’inverse de l’âge de l’univers, et cela permettait de
relier la gravitation et la physique atomique quantique. Il
avait même commencé à faire des remarques intéressantes au
sujet de l’expansion de l’univers.
- Mais une telle variation de G devrait se détecter en
remontant dans le passé de quelques centaines de millions
d’années seulement !
- C’est vrai, en effet. Teller, le père de la bombe
thermonucléaire, et Gamow ont démontré qu’une telle
variation n’était pas possible : le soleil aurait non
seulement été bien trop lumineux dans le passé pour que la
vie se développe sur Terre, mais il serait éteint depuis
longtemps...
- Donc un domaine sans intérêt, j’avais raison !
- Pas si vite. D’autres valeurs auraient pu varier, comme
par exemple la charge de l’électron, pour expliquer les
coïncidences de Dirac, sans que le soleil ne s’en mêle.
Quoi qu’il en soit, Dirac a ouvert la boite de Pandore, il
va devenir difficile de la refermer si l’on réfléchit un
peu au sens des constantes de la physique.
- Des considérations de philosophe, pas de physicien. La
physique, c’est faire des calculs, les vérifier, et c’est
tout.
- C’est bien ce qu’est devenu la physique après Borh, mais
il n’empêche que l’on peut aussi considérer cette science
comme une interrogation rigoureuse sur le monde, et
réfléchir au sens de nos pratiques, quelle que soit par
ailleurs leur efficacité. Ainsi en est-il des
constantes : d’où viennent ces nombres qui ne sont
prédits par aucune théorie, qu’il faut mesurer
laborieusement et que l’on retrouve un peu partout ?
Pourquoi ont-elles des valeurs si différentes, et, par
exemple, pourquoi la gravitation est elle si lamentablement
faible par rapport aux autres forces ? Est-ce que les
constantes sont réellement fondamentales ou bien leur
valeur découle t’elle de théories d’un ordre supérieur,
encore inconnues ? Ce sont là de vraies interrogations pour
la physique...
- Je ne suis pas convaincu, la preuve, c’est que depuis
Dirac c’est le calme plat.
- Pas du tout, il existe plusieurs physiciens qui ont
élaboré des théories où les valeurs de certaines constantes
ne sont pas fixées. Bien évidemment, ils ont eu toutes les
peines du monde à publier leurs travaux, du moins dans un
premier temps (2). Il faut dire qu’ils ont fait intervenir
des variations de constantes pour proposer une explication
alternative au décalage vers le rouge observé dans les
raies spectrales de galaxies lointaines, et interprété
comme étant la marque d’un univers en expansion. Ainsi,
Hoyle et Narkilar (3) ont-ils essayé (en vain) d’obtenir un
univers statique où des variations de constantes donnaient
l’illusion d’une expansion de l’espace. C’est également la
démarche de l’astronome Van Flandern pour qui l’expansion
serait une illusion causée par l’existence d’une dimension
supplémentaire dans notre univers (4). Cet astronome a cru
déceler une variation de G en analysant finement l’orbite
lunaire, mais ses résultats n’ont pas été confirmés. Et
puisque tu me parlais de philosophie, je me dois aussi de
signaler que l’astrophysicien Milne, dans les années 40, a
justement mis en doute lui aussi la stabilité des
constantes lorsqu’il a effectué des recherches visant à
compléter la relativité générale (5), et qu’il a participé
à une vive controverse, dans ces années-là, sur la
philosophie sous-jacente aux différents modèles utilisés en
cosmologie (6). Ses idées n’ont toutefois, là encore, pas
été confirmées par la suite.
- Et tu n’as rien d’autre à me proposer qu’un quarteron de
physiciens en retraite, voire ad patres, pour mener de
front cette révolution conceptuelle qui me semble fort mal
partie puisque les idées de ces vénérables n’ont jamais été
confirmées ?
- Si ce n’était pas le cas, le problème ne se poserait plus
et tu pourrais retourner faire vibrer tes branes jusqu’à ce
que les supercordes nous pendent! Mais non seulement des
théoriciens se sont attaqués de nouveau à ce problème, mais
ils ont réussi, pour certains, à initier de véritables
campagnes d’observations dont les résultats sont
intéressants. Tellement intéressants qu’ils sont à présent
considérés par ceux-là mêmes qui se moquaient du petit club
des « variateurs de constantes » lorsque cette
conception n’était pas à la mode.
- Tiens donc, tes nouveaux héros n’auraient donc pas été
accueillis avec la déférence qui sied à leur rang ?
Pourquoi ont-ils donc rencontré tant d’opposition, si ce
n’est parce qu’ils contestent l’évidence, à savoir
l’expansion de l’univers ?
- Tu n’y es pas du tout. Les physiciens qui réfléchissent
actuellement aux variations des constantes ne remettent pas
en cause le big bang, bien au contraire : ils
cherchent à l’expliquer plus clairement.
- Comment ça ? En quoi leurs idées farfelues peuvent-elles
améliorer notre compréhension du big bang ?
- Quelles sont les preuves observationelles du big bang
?
- He bien le décalage vers le rouge des raies des galaxies
lointaines montrant l’expansion de l’univers, la proportion
entre l’hydrogène et l’Helium, ainsi que celle d’autres
éléments plus lourds, le rayonnement à 3 K qui
« signe » le big bang...
- Et ce rayonnement, quelles sont ses caractéristiques
?
- Il correspond à un corps noir à une température de 3K (-
270 °C), il provient de toutes les directions, et les
mesures obtenues par le satellite Cobe (7) et celles en
cours d’obtention par WMAP montrent qu’il est très
homogène.
- Il l’est même trop, non ?
- Je vois ce que tu veux dire, mais ce problème est résolu,
il me semble ? Comme tout l’univers que nous voyons
est homogène, nous devons en conclure que très tôt au cours
du big bang, toutes les régions qui le composent ont été en
communication, afin de s’homogéiniser. Mais cela n’est pas
possible, car comme la vitesse de la lumière est une
vitesse limite, l’univers a grandi si vite que ses
différentes régions n’ont pas pu entrer en communication,
il ne peut donc pas s’y produire une homogénéisation des
différents rayonnements, et le rayonnement primordial à 3K,
tout comme notre propre univers aujourd’hui, ne devraient
donc pas être aussi homogène (8) . Mais le physicien Alan
Guth a proposé le modèle de l’inflation (9), qui veut que,
très rapidement, l’univers se soit monstrueusement dilaté,
et que nous ne puissions donc observer qu’une toute petite
partie, forcément homogène à l’origine, de l’univers
initial.
- C’est tout à fait exact, mais l’inflation, si elle
explique pas mal de choses (10), n’est pas complète :
elle n’explique pas l’origine de certaines
caractéristiques, de l’univers, comme tout simplement la
présence de matière, aussi des physiciens suffisamment
audacieux ont cherché d’autres voies, et certains d’entre
eux ont élaboré une proposition iconoclaste : J.W.
Moffat en 1993 (11), puis J. Magueijo (12) ont ainsi
proposé que la vitesse de la lumière ait été beaucoup plus
grande à l’époque du big bang, permettant ainsi à des
régions éloignées de l’univers de s’homogénéiser et ouvrant
ainsi la voie à une cosmologie sans inflation.
- La vitesse de la lumière variable ? Et puis quoi encore?
D’abord G, maintenant C, et combien de constantes encore
pensent-ils pouvoir ajuster à leur guise ?
- Si l’on y réfléchit, il semble qu’il existe au moins
trois constantes fondamentales : G, justement, pour la
gravitation, la vitesse de la lumière C et enfin la
constante de Planck, h.
- Ne me dit pas maintenant que quelqu’un propose de faire
varier h, qui régit le comportement des atomes !
- Non seulement un physicien a proposé une cosmologie avec
h variable, mais il a fait varié en même temps G et C, pour
aboutir à un modèle cosmologique original (13), tellement
original même qu’il est resté ignoré plus ou moins
volontairement, dédaigné comme le vieil oncle pétomane et
gâteux qu’on n’ose plus inviter aux repas de famille, et
qu’aucun physicien sérieux n’y fait référence.
- Et qui a élaboré ce modèle ?
- Un français, un trublion nommé Petit
- ha non, pas le mec des Ovnis !
- En ce qui me concerne, il peut croire au père Noël ou à
la petite souris, tant qu’il publie des travaux de physique
sérieux, je les lis. J’avoue que sa cosmologie gémellaire,
qui aboutit à deux univers jumeaux interagissant par
l’entremise de la gravité, est conceptuellement séduisante
et me semble totalement cohérente. De plus, malgré un
ostracisme soigneusement entretenu, il se trouve que ses
idées d’univers jumeaux en interaction gravitationnelle
avec le nôtre sont en train d’être reprises et développées,
dans l’oubli plus ou moins volontaire des défricheurs de
cette discipline (14)... Il est regrettable que des
scientifiques qui se pensent sérieux ne se basent que sur
la personnalité d’un auteur pour refuser d’examiner ses
travaux, et non sur les travaux eux-mêmes...
- Ne m’en parle pas ! Il devient de plus en plus
difficile de publier si l’on ne reste pas dans les clous de
la mode...
- Et la mode est longtemps restée à considérer les
constantes fixes, jusqu’à ce que le courant majoritaire de
la physique n’envisage la possibilité de constantes
variables...
- Tu veux dire que les Supercordes...
- Oui, tes théories favorites qui supposent que notre
univers contient de nombreuses dimensions cachées laissent
entendre que l’influence des différentes constantes peut
s’exercer dans toutes ces dimensions, avec des variations
éventuelles : si la gravité, par exemple, se déploie
dans 5 dimensions, alors elle peut être très importante
dans la 5éme dimension et seulement résiduelle dans les 4
autres (les notres, ce qui expliquerait sa faiblesse), et
comme au cours de l’histoire de l’univers l’expansion de
ces dimensions n’a pas obligatoirement été identique, la
« projection » de la gravitation
multidimensionnelle que nous observons dans notre univers
quadridimensionnel en apparence a pu varier aussi.
- C’est résumer un peu vite. En fait, nos constantes
seraient des constantes de couplage, reliées à la taille de
dimensions additionnelles, qui varient en fonction du
temps...
- Je ne te contredirai pas, mais avant même les
supercordes, Kaluza et Klein ont postulé l’existence d’une
cinquième dimension pour unifier la gravité et
l’électromagnétisme, mais depuis, sous l’influence
grandissante de tes collègues cordistes, le nombre de
dimensions n’a fait que croître et embellir, jusqu’à
atteindre la dizaine... Autant de sources possibles de
variations...
- Et donc autant de motivations pour rechercher ces
variations...
- Tout a fait. Des théoriciens comme Bekenstein, dès 1982
(15), ont ainsi proposé des variations de la charge de
l’électron, retrouvant ainsi une des possibilités mises en
évidence par Dirac, mais les efforts les plus importants se
sont concentrés sur une variation hypothétique de la
constante de gravitation G, et ce au moyen d’un de ses
avatars qui d’ailleurs fait intervenir la charge de
l’électron: alpha, la constante de structure fine.
- Mais
alpha caractérise tous les phénomènes
électromagnétiques... Évidemment, c’est un nombre sans
dimension, et il est vrai que l’on peut facilement montrer
qu’une variation d’alpha aboutirait à une modification de
la gravité... C’est même assez facile (16)...
- De plus, alpha possède un intérêt qui a sauté aux yeux
des amis des supercordes dans ton genre : comme elle
conditionne les niveaux d’énergie des électrons dans les
atomes, tout moyen d’observer ou de calculer ces niveaux
d’énergie dans le passé ouvre une porte sur une
démonstration expérimentale de sa variation éventuelle, et
donc sur une possible détection d’un phénomène lié aux
théories cordistes... Je m’étonne que tu ne sois pas au
courant.
- Tu sais chez nous, on ne considère pas les expériences
comme étant indispensables, ni même souhaitables. Il ne
faudrait tout de même pas que des faits hideux nous
empêchent de jouer avec nos belles théories et faire
croître et embellir nos équations chéries (17)! Mais tout
de même, prouver une des conséquences d’une des multiples
versions des théories des cordes, ce serait le moyen la
plus rapide d’atteindre Stockholm sans escale !
- Je ne te le fais pas dire, bien qu’en fait nous avons vu
que d’autres approches que les supercordes pourraient elles
aussi tirer parti de la détection de telles variations
séculaires d’alpha.
- Mais je suppose que ces expériences n’ont rien donné
puisqu’on n’en parle pas.
- Détrompe-toi, elles ont donné des résultats, mais ils
sont encore controversés et parfois contradictoires.
Certaines d’entre elles ont permis de limiter les
variations acceptables de la constante, alors que d'autres
ont peut-être réellement détecté les indices d’une
variation d’alpha.
- Mais comment a t’on pu observer les niveaux d’énergie
dans les atomes il y a plusieurs milliards d’années ?
- L’ingéniosité des expérimentateurs surprendra toujours
les théoriciens comme toi ! Plusieurs tests ont été
réalisés, ils ont été résumés dans un tableau paru dans une
obscure revue dissidente toulousaine... Regarde :
- Mais ces variations éventuelles sont minimes ! Tiens, il
y a quand même deux détections positives, c’est vrai, mais
l’ensemble me semble bien fragile. Ces résultats ont été
confirmés ?
- Ils sont en cours d’analyse, et sont soumis à une
critique véhémente. Toutefois, les mesures réalisées sur
les quasars, en particulier, semblent solides. Il va
falloir les réitérer de façon de plus en plus précise pour
les confirmer, mais elles constituent un indice que, pour
le moment, on ne saurait négliger.
- Mais tout de même, une grandeur qui ne varie que de 0,005
% en dix milliards d’années... On peut appeler ça une
constante, non? Et en plus, si je regarde ton tableau, je
m’aperçois que tu veut m’enduire avec de l’erreur, comme
dirais l’autre: ton résultat “quasar” est incompatible avec
ton résultat “Oklo” !
- Ce qui prouve qu’il faut bien entendu continuer les
recherches dans ce sens ! En fait, la modélisation du
comportement des noyaux atomiques de Samarium est le plus
souvent considérée comme étant beaucoup moins fiable que
les connaissances des spectres atomiques, aussi cette
discordance entre les résultats obtenus par les deux
méthodes ne semble pas être rédhibitoire. De plus, on peut
aussi supposer que la variation des constantes n’est pas du
tout linéaire, mais qu’elle a été bien plus importante par
le passé pour devenir minime à l’époque du réacteur d’Oklo,
il y a 2 milliards d’années; alors que les quasars nous
ouvrent une fenêtre temporelle de plus de 10 milliards
d’années...
Mais le plus important est de trouver une variation, même
minime : si l’on y réfléchit, cela montre que la
relativité générale ne serait qu’un cas particulier de la
gravité, peut-être dans un univers quadridimensionnel, et
que la variabilité, même minime, de certaines grandeurs
vues auparavant comme constante nous dévoile l’existence
d’autres possibilités, comme...
- Les supercordes ?
- Nous y venons. Oui, ces fameuses structures à si petite
échelle, repliées dans des espaces multidimensionnels d’une
taille infime (26), et dont rien n’indique
expérimentalement la validité...
- Tu t’emportes, les supercordes sont cohérentes
- Pour moi, c’est surtout un exercice géant de mathématique
qui ne deviendra de la physique que le jour où des faits
nouveaux seront expliqués par elles... Et peut-être est-ce
le cas ? Mais tu connais ce domaine mieux que moi.
-Il est vrai que des grandeurs très importantes de la
théorie des cordes sont variables. Par exemple, le volume
des dimensions supplémentaires est variable, ainsi que le
dilaton...
- Le quoi ?
- Une particule qui devrait interagir avec la matière
ordinaire, C’est un champ scal...
- je t’arrête tout de suite pour souligner ta
remarque : si les constantes sont variables, cette
variation est minime. Cela signifie que le volume de tes
« extra » dimensions, ou ton dilaton, sont
quasiment stabilisés. Mais si je ne me trompe pas, ces
quantités apparaissent, dans tes théories, dans
l’expression de toutes les constantes, non ?
- Oui
- Alors, forcément, toutes les constantes devraient varier,
dont la constante de la gravitation de Newton, G. On
devrait observer des écarts à la gravitation newtonienne à
très courte distance, mais je me demande même si, a plus
grande échelle, on ne devrait pas envisager la possibilité
d’une variation locale de G, par exemple, liée à la
géométrie de l’espace-temps; et facilement observable.
- Et aurait-on le moindre indice de ces variations à grande
échelle ? Parce que pour les cordes, les dimensions
surnuméraires étant microscopiques, nous ne pourrons pas
observer leurs effets au niveau macroscopique...
- Je pense à l’anomalie Pionner
- Toujours tes anomalies !
- Ce sont elles qui font progresser la physique! Les petits
détails, où se cache le diable de la contestation, les
phénomènes dits « sans importance » mais qui ne
rentrent pas dans les cadres descriptifs actuels, et qui
sont les traces de la non-finitude de nos explications du
monde !
- Je crois que cette anomalie, en fait, c’est le
ralentissement inexpliqué d’une sonde spatiale, non ?
- Pas exactement. Il s’agit d’une accélération en direction
du soleil, extrêmement faible, tout d’abord détectée en
1998 pour les sondes Pionner (27), qui après avoir quitté
la Terre en 1972 et 1973, sont à présent aux confins du
système solaire, puis plus récemment identifié pour
d’autres sondes spatiales, comme Galileo et Ulysses, Near
ou même Rosetta (28), dont la vitesse montre une anomalie
record de 13 mm/s. Pour ces dernières sondes, la direction
de l’anomalie n’est pas la même, et les valeurs précises
des accélérations d’origine inconnue varient selon les
sondes, grossièrement selon leur distance au soleil. En
somme, tout se passe comme si il existait dans le système
solaire une masse supplémentaire invisible. Toutes
proportions gardées, c’est le même phénomène qui a été
observé dans les galaxies spirales : normalement, les
étoiles les plus externes auraient du s’évader depuis
longtemps des galaxies, car elles sont trop rapides. Il
semble qu’elles soient maintenues en place par une force de
gravité supplémentaire...
- Et provenant d’une matière invisible, la matière
noire ! C’est même comme cela qu’on l’a découverte.
- On a rien découvert du tout ! On a inféré
l’existence d’un élément pour résoudre faussement un
problème. C’est l’équivalent de la vertu dormitive de
l’opium. La matière noire, dont par définition, je dirais
même par principe, on ne connaît rien ressemble plus à un
mot couvrant notre ignorance qu’à un phénomène réel. C’est
un deus ex machina technique plus que de la réelle
physique. Sans exclure cette possibilité, Je crois qu’une
nouvelle description de la gravité, incluant peut-être une
variation locale de G, n’est pas à exclure. Plusieurs
chercheurs ont ainsi, par exemple, proposé une gravité
modifiée à petite et très grande échelle (29), ou bien
l’existence de l’influence d’un univers gémellaire (30)
contraignant les galaxies à conserver leur forme, sans
qu’il soit besoin de faire intervenir l’hypothèse gratuite
de la matière noire. Finalement, peut être il y a t’il
beaucoup plus de choses dans le ciel et sur la terre, que
ne peuvent en rêver toutes tes supercorderies.
-Tu ne dis que des absurdités
- Encore une fois, j’ai l’impression qu’actuellement, en
physique, C'est ce que tout le monde fait. (31)
Notes & Références
1 - Dirac P.A.M.: 1937, Nature,
139, 323
2 - Voir l’excellent livre de Joao Magueijo qui décrit
bien ces difficultés: Plus vite que la
lumière, Dunod, quai des sciences, 2003
3 - Hoyle, F., Narlikar, J.V., Cosmological models
in conformally invariant gravitational theory,
Mon. Notices Roy. Astr. Soc. 155 (1972), pp.305-325.
4 - Van Flandern T.C. Is the gravitational constant
changing ? Ap.J, 248 : 813-816
1981
5 - Milne E.A. Kinematic relativity,
Clarendon Press, Oxford, 1948 ; et Walker A. G.
Gravitation in Kinematic Relativity,
Nature 168, 961 - 962 ,
01/12/951
6 - Harder A.J. E A Milne, scientific revolutions
and the growth of knowledge, Ann. Sci.
31 (1974), 351-363.
7 - http://aether.lbl.gov/www/projects/cobe/
8 - Une autre explication serait qu’en fait, seules les
régions homogènes de l’univers présentent des conditions
telles que la vie peut s’y développer. Il existe peut-être
ainsi un biais anthropique expliquant certaines des
caractéristiques de l’univers observable.
9 - Guth A. The Inflationary Universe: A Possible
Solution To The Horizon And Flatness Problems,
physical review D, 23, 347-356 (1981)
10 - Entre autres, le problème des monopoles : 10-35 s
après le big bang, des particules, les monopoles
magnétiques, auraient du être produites en si grand nombre
qu’elles auraient fini par faire s’effondrer l’univers sur
lui même, ce dernier ne pouvant alors subsister plus de
quelques milliers d’années...
11 - Moffat J. Superluminary Universe: A
Possible Solution to the Initial Value Problem in
Cosmology , Int. J. Mod. Phys. D,
vol. 2, no 3, 1993, p. 351–366
12 - Magueijo J. New varying speed of light
theories. arXiv:astro-ph/0305457v3, 15 Oct 2003
13 - Petit, J.P., Midy, P. Scale invariant
Cosmology, International Journal of Modern Physics
D, vol.8, Juin.1999, pp.271-280
14 - Voir les travaux récents de S. Hossenfelder :
A Bi-Metric Theory with Exchange Symmetry,
juillet 2008 ; puis Antigravitation,
arXiv:0909.3456v1 [gr-qc], 18 Sep 2009.
15 - Bekenstein J.D. Phys. Rev. D 25, 1527
(1982).
16 - pour Algernon, sans doute, mais pour les autres, voir
l’encadré « d’alpha à G ».
17 - Le physicien Lee Smolin raconte, dans son ouvrage
critique Rien ne va plus en physique
(Dunod, quai des sciences, 2007), p. 141 :
« Les calculs étaient longs et compliqués au point
de paralyser le cerveau lui-même, ils demandaient une
précision absolue... Chaque ligne de calcul avait des
dizaines de termes. Pour que les calculs tiennent sur le
papier, ils (un groupe d’étudiants sous la direction d’un
« ponte » des supercordes) utilisaient des
feuilles de plus en plus grandes. Bientôt, ils ont commencé
à travailler sur de grands carnets d’artistes, les plus
grands qu’ils avaient trouvés. Ils couvraient chaque page
d’une écriture minuscule et précise. Chaque carnet
représentait des mois de travail. Le mot
« monastique » me vint à l’esprit. J’étais
terrifié. Je suis resté une semaine sur place, puis j’ai
fui. »
18 - Fujii Y. Possible link between the changing
fine-structure constant and the accelerating universe via
scalar-tensor theory. Int.J.Mod.Phys. D11 (2002)
1137-1148.
Olive et al (2002) Phys Rev D ont utilisé la même méthode
sur des météorites, permettant de remonter 4 milliards
d’années en arrière.
19 - Olive KA, Pospelov M,
Qian Y.Z., Coc A. , Casse M,
Vangioni-Flam E. Constraints on the
variations of the fundamental couplings. Physical Review, D66, 045022,
2002
20 - Murphy MT, Webb JK, Flambaum VV, Drinkwater MJ, Combes
F, Wiklind T. Improved constraints on possible
variation of physical constants from H I 21cm and molecular
QSO absorption lines.
Mon.Not.Roy.Astron.Soc.327:1244,2001.
Webb
JK, Murphy MT, Flambaum VV, Curran SJ. Does the
fine structure constant vary? A third quasar absorption
sample consistent with varying alpha
Astrophys.Space Sci.283:565,2003
21 - H. Marion et al. (16 auteurs!). A Search for
Variations of Fundamental Constants using Atomic Fountain
Clocks , 2003, Phys. Rev. Lett. 90, 150801
22 - P.P. Avelino et al., Early-universe
constraints on a time-varying fine structure
constant. Phys. Rev. D64, 103505 (2001)
23 - Muller J., Nordtvedt K. Lunar laser ranging
and the equivalence principle signal
Phys. Rev. D 58, 062001 (1998)
24 - Institut d’Astrophysique de Paris, 2004 :
http://www.iap.fr/Actualites/Archives/LaUneArticles/2004/0104/LaUneArticle_0104.html,
variation confirmée par Wim Ubachs
25 - Victor Flambaum et Michael Kozlov ne confirment pas
cette variation de mu : Limit on the
Cosmological Variation of
mp/me
from the Inversion Spectrum of Ammonia,
Phys. Rev. Lett. 98, 240801 (2007)
26 - Les ouvrages de B. Greene, en particulier
l’univers élégant (folio essais, ed.
Gallimard, 2000) et la magie du cosmos (R
Laffont, 2005) sont une bonne introduction aux supercordes.
Ne pas oublier de lire aussi l’ouvrage critique de Smolin,
histoire de savoir raison garder...
27 - Anderson J.D. et al. Indication, from Pioneer
10/11, Galileo, and Ulysses Data, of an Apparent Anomalous,
Weak, Long-Range Acceleration. Phys.Rev.Lett. 81
(1998), 2858-2861.
28 - American institute of physics -
http://www.aip.org/pnu/2008/split/857-2.html
29 - En 1983, le Pr. Milgram a proposé une modification de
la gravitation à grande échelle (MOND=MOdified Newton
Dynamic) pour expliquer la répartition observée des
vitesses des étoiles extérieures des galaxies. Depuis, pas
moins de 287 articles sont parus sur cette théorie,
reconnue comme étant une des solutions possibles de la
relativité générale et expliquant elle aussi les résultats
cosmologiques observés jusqu’ici. Wikipedia propose une
bonne description de cette théorie :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Théorie_MOND. Une description
plus simple est accessible sur les podcasts de la revue
Ciel & Espace :
http://cieletespaceradio.fr/index.php/2006/12/21/36-mond
30 - A tout seigneur... JP Petit propose sur ses pages un
résumé didactique clair de son modèle cosmologique :
http://www.jp-petit.org/science/f200/sommaire_de_f200.htm.
Des travaux récents reprennent ses idées (souvent dans le
citer...) sous le nom de cosmologie bimétrique. D’autres
auteurs, comme A. Corichiet et Parampreet Singh, en
utilisant une théorie de la gravité (concurrente aux
supercordes) dite « gravité quantique à boucle »,
proposent eux aussi l’existence d’univers jumeaux.
Toutefois, les idées à l’origine de ces conceptions
proviennent de physiciens soviétiques comme A. Sakharov et
A. Linde.
31 - Réplique librement inspirée d’ Oscar Wilde, de
l'importance d'être constant, 1895