L'aube de la vie :

Une synthèse personnelle
contribuant à établir la banalité du vivant


Mise en chantier en octobre 2000

Dernière mise à jour: 20/08/2009

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"Les problémes du monde ne seront pas résolus par les sceptiques ou les cyniques
dont les horizons sont bornés par la réalité et ses évidences.
Il nous faut des hommes capables de réver des choses qui jamais ne furent."
J.F.Kennedy


Quelques remarques importantes

Les recherches sur l'origine de la vie sont difficiles. On ne peut prétendre qu'à la description de scénarios plus ou moins probables. Les expérimentations étant rares, il est assez difficile d'étre catégorique. Ce qui suit pourra donc être considéré dans le futur comme un tissu d'aneries ou, au contraire, une lumineuse anticipation. Afin de clarifier mon propos, j'ai écrit en italique mes contributions personnelles, qui peuvent être sujettes à caution... En effet, ce site ne présente pas une énième hypothèse révolutionnaire de A à Z faisant fi de tout ce qui est connu mais montre comment les différentes connaissances actuelles peuvent conduire à des scénarios impliquant que la vie soit largement distribuée dans l'univers.

J'ai essayé d'illustrer mon propos par des schémas récapitulatifs ou informatifs. Si vous appréciez cette page, n"hésitez pas à la signaler! Il est possible que j'édite dans quelques mois un CDrom intitulé "les origines" qui reprendra avec davantage de photos et schémas les sections astro et exobiologie de ce site.

Le problème des conditions initiales

Nous, biologistes, ne tenons pas assez compte dans nos conceptions et descriptions de l'état prébiotique des conditions physiques du milieu: non seulement sa température, mais également la pression qui y règne, les champs magnétiques et électriques présents, les effets des rayonnements énergétiques, la composition chimique de l'atmosphère primordiale... autant de domaines dans lesquels il faudra progresser. On a trop longtemps supposé que les conditions initiales était celles prévalant au sein des douillets rivages d'un océan tiède, surmonté d'une calme atmosphère réductrice... Ces dernières années ont remis profondément en cause ce schéma: la vie s'est développée si vite que son milieu d'apparition devait être, selon nos critères, apocalyptiques: sur des rivages irradiés d'UV, dans une atmosphère étouffante de dioxyde de carbone, soumise aux émissions gazeuses de fréquents épanchements de lave, aux chutes de météores et de noyaux cométaires de tout diamètre, à un continuel apport de matière organique synthétisée dans l'espace et à des modifications très rapides des conditions physiques, en particulier en ce qui concerne la température.

Si vous avez oublié d'écouter en cours de bio: une remise à niveau expresse, histoire de savoir de quoi on parle...


Il est des espaces sis entre les étoiles

Etrangers à nos yeux, solitudes d'atomes

Ou la lumière joue en ses champs magnétiques

Imprimant dans la pierre les briques de la vie

Et nous voyons poussières, y compris dans nos livres

et notre espoir toujours, en vaine éternité

devant nous dévoile, au dessus de nos têtes

l'histoire de l'origine...

RR

nébuleuse


Sommaire 

1 - Le top départ : où l'on apprend comment répondre à Mr Fermi

2 - l'âge des molécules

Des atomes aux molécules organiques

Les aventures de la polymérisation - la crise de l'énergie

3 - le monde des polymères

Nos ancêtres les roches

La forme, c'est la fonction

4 - la vie des plasmes

Le ribomonde (Ou l'ARN et les peptides prennent le relais)

Séquestration

Reproduction

5 - Conclusion: la vie est une réaction en chaîne à l'échelle galactique


Le top départ : où l'on apprend comment répondre à Mr Fermi

Comment tout à commencé? Quels sont les liens qui unissent la vie et l'univers qui l'a vu naître ? Cette vie n'a t'elle pu se développer que sur une seule planète de notre immense univers où bien est elle largement répandue au sein de ce dernier? C'est de l'astronomie que nous viennent les premiers éléments de réponse. Les êtres vivants possèdent tous la même composition chimique: ils sont fait principalement de carbone, d'hydrogène, d'oxygène et d'azote. S'y rajoutent quelques éléments d'une grande importance biochimique comme le phosphore, le zinc.... L'analyse élémentaire de l'organisme humain (à ce stade, il est représentatif) nous donne les chiffres mentionnés dans le tableau suivant:

 élément
 O
 C
 H
 N
 Ca
 P
 K
 S
 Cl
 Mg
 I
 F
 % masse
 62
  21
  10
  3
  2
  1
  0,2
 0,16
  0,08
  0,03
  0,014
  0,009
 élément
 Fe
 Zn
 Br
 Si
 Al
 Cu
 Mn
 Pb
 Se
 Co
 Mo

 % masse   0,005  0,002  0,002
 0,001
 0,001
 0,0002
 0,00005
 0,00005  0,00002  0,000003  0,0000005

L'origine de ces éléments nous donne des indications sur un possible synchronisme dans le développement du vivant. En effet, à l'exception de l'hydrogène, tous les éléments suivants proviennent de nucléosynthése stellaire: ils sont fabriqués par les étoiles géantes dans les derniers stades de leur vie, pendant des durées variant de 600 ans à un jour, voire beaucoup moins, selon l'élément considéré.
La vie basée sur le carbone ne peut donc se développer que dans un milieu ou cet élément, ainsi que l'oxygène, est abondant. Cela nous donne une limite temporelle pour le début de la vie à l'échelle de l'univers. En effet, notre univers est âgé de 15 milliards d'années environ. Au début, il ne contenait que de l'helium et de l'hydrogène, ainsi que des traces de lithium et bérillium. Il fallait donc pour que la vie apparaissent que les premières générations d'étoiles massives synthétisent assez d'éléments lourds pour permettre la constitution des éléments caractéristiques des êtres vivants ainsi que des supports physiques (planètes telluriques, astéroïdes, poussières...) nécessaires. Ces éléments devaient demeurer concentrés dans des zones définies ou se formeraient de nouvelles étoiles nanties de systèmes planétaires comportant des corps lourds.
La formation de cette génération stellaire dans des structures galactiques daterai de 8 milliards d'années environ

Pour notre galaxie, la voie lactée, les nuages moléculaires et la plupart des étoiles de grande masse se situent dans le plan de la galaxie. On suppose que des perturbations d'origine gravitationelles, impliquant peut être les nuages de Magellan, deux galaxies satellites de la notre, ont été à l'origine de 3 ou 4 périodes de formation stellaires (voir schéma ci contre) impliquant 3 époques d'enrichissement du milieu interstellaire en éléments lourds (autres que H et He). On peut considérer que ces éléments ont été disponible il y a 5 à 6 milliards d'années environ.

C'est à cette époque que je situe le "top départ" stellaire pour l'apparition du "phénomène vivant".

Cela nous fournit une date butoir, bien que très imprécise, pour l'apparition de la vie dans notre galaxie.

3 vagues de formations stellaire ont été identifiées dans notre galaxie, chacune enrichissant le milieu interstellaire en éléments lourd (schéma personnel)

 A partir du moment ou nous trouvons dans l'environnement carbone et oxygène en abondance, la chimie du carbone peut se mettre en route. Elle nécessite un support: la formation d'astéroïdes, de poussières et de planètes telluriques est une condition supplémentaire pour notre "top départ" que l'on peut donc estimer autour de 5 milliards d'années. Cette idée que la disponibilité des éléments lourds est une condition clef de l'évolution des systémes stellaires vers la formation de planètes, puis de formes de vies, est corroborée par plusieurs observations:

Si l'on tient compte des conditions "locales" à l'échelle galactique (onde de chocs en provenance de supernovae proches, vagues de formation stellaire, enrichissement du milieu interstellaire....), nous voyons que pour une large région de la galaxie les conditions "stellaires" liées à l'apparition de la vie sont grosso modo synchronisées. On peut donc en déduire que la plupart des civilisations extraterrestres potentielles voisines sont peu ou prou à un niveau similaire. Voila peut être pourquoi, Mr Fermi, ils ne sont pas (encore) là....

Toutefois, certaines observations, comme celle du Quasar APM 8279+5255, distant de 13.5 milliards d'AL et donc tout aussi vieux, montrent que ces derniers contiennent déjà des quantités importantes de fer (3 fois supérieures à celles du systéme solaire pour cet exemple - Hasinger G, 2002). La vitesse de synthèse des éléments lourds pourrait donc avoir été très différente dans des zones diverses de l'univers.

Pour ce qui nous concerne, le départ dans notre région de la voie lactée semble situé il y a 4,5 milliards d'années...

Remarque: il a été proposé que la vie puisse également se développer à partir du silicium, qui présente des caractéres chimiques communs avec le carbone. Comme la nucléosynthèse du silicium suit celle du carbone dans les supernovae, la date butoir serait plus proche de nous pour une telle forme de vie. Qui plus est, la perennance des liaisons chimiques du silicium impliquerait l'existence de formes de vie a reproduction très lente, incapables d'évoluer. Or, l'absence d'évolution, c'est la mort...

 
L'âge des molécules

Des atomes aux molécules organiques

Nous sommes dans la région de la galaxie va naître le soleil, il y a 5 milliards d'années. Le système solaire ressemble alors à une espèce d'oeuf au plat: un protosoleil central et un disque d'accrétion, peut être fragmenté en anneaux, qui tournent autour de lui. Cette disposition est assez fréquente, et nombreuses sont les étoiles qui sont entourées de planètes ou de disques d'accrétions (b pictoris, 68 Ophiuchi, BD 31643).

Les molécules présente alors dans ce nuage sont plus complexes que l'on pourrait le croire. Certes, au gré des chocs, le carbone se combine avec les autres atomes présents (surtout de l'hydrogène), mais surtout la présence de poussières fournit un substrat sur lequel se produisent des réactions chimiques qui utilisent l'énergie du rayonnement stellaire. Ces poussières (de 0,1mm ou moins), en rapprochant les atomes et les molécules avant leur interaction, jouent le même rôle que les catalyseurs minéraux (mousse de platine par exemple) utilisés en chimie. Les molécules formées résultent principalement de combinaison avec de l'hydrogéne. Ces poussières forment des structures floconneuses comportant de la glace amorphe de haute densité, se comportant comme un fluide visqueux, des silicates et des molécules à base de carbone (hydrocarbures principalement). Ces particules vont s'aggréger pour former deux types de corps solides: les planètes telluriques près du soleil et, plus loin, les noyaux des futures comètes. Entre les deux, les éléments légers chassés par la pression de radiation du jeune soleil vont se condenser sur des "noyaux" telluriques pour former les planètes joviennes, nanties de nombreux satellites aux dimensions respectables.

Ci dessus: occultation de l'étoile binaire BD31643, qui permet
de mettre en évidence son disque protoplanétaire
(photo Kalas P & Jewitt D)

Quelles sont les molécules qui peuvent être synthétisées dans les conditions "interstellaires" et que nous retrouverons au début de la formation du système solaire? Tout dépend des nuages moléculaires à l'origine du système solaire. Il en existe deux types principaux dans les bras spiraux de la voie lactée:

On peut identifier les molécules présente dans ces nuages par leur spectre, en observant actuellement les grands nuages moléculaires qui parsèment le disque de notre galaxie (et des autres!). Bien qu'a l'époque de la formation du soleil la teneur en éléments lourds devait être un peu moins élevée, cela nous donne une indication sur les apports de molécules extraterrestres qui ont pu être réalisées au début de l'histoire de notre planète.

On y trouve plus de 120 molécules différentes, dont surtout de l'eau, du méthane, de l'ammoniac, du monoxyde de carbone, des radicaux libres (OH, H3+) intervenant dans les synthèses des autres molécules, mais également des molécules plus complexes.


Structure d'un grain de poussière interstellaire...

Des hydrocarbures (HC3N, CH3CN, CH3CHO...), des alcools (méthanol, éthanol) et des dérivés du cyanure se forment aussi facilement: les glaces qui recouvrent les silicates, composées d'eau, de méthanol et d'hydrocarbures, jouent le rôle de piège moléculaire qui empêche la dispersion des molécules qui peuvent se recombiner sous l'action du rayonnement UV stellaire. Un nuage de gaz situé près du centre galactique a même révélé contenir du glycolaldéhyde (C2H4O2) qui peut en se combinant conduire à du glucose ou du ribose (P. Jewell. 08/2000) . Ce sucre a également été détecté dans des météorites, accompagné de composés comme le glycérol, présents dans les membranes de cellules. (Cooper & al., 2001).

Le processus de formation des molécules peut parfois nécessiter plus de 1500 étapes intermédiaires, mais met souvent en jeu l'ion H3+ qui se combine avec les autres éléments présents dans le milieu interstellaire.



Formation d'hydrogène moléculaire et d'ion intermédiaires
dans les réactions de synthèse interstellaire

Des synthèses peuvent se réaliser sur les grains de matière interstellaire et aboutir à la formation d'acides aminés: outre la glycine détectée dans des nuages moléculaires, 17 acides aminés ont été identifiés dans des météorites contemporaines de l'époque de formation du système solaire, ainsi que des quinones et des molécules amphiphiles comparables à celles constituant les membranes des cellules. Détectées indirectement ou par l'analyse de météorites, ces molécules ont pu également être synthétisées expérimentalement dans les conditions régnant dans le milieu interstellaire (Munoz & al., 2002). Il est probable que le rayonnement auquel ont été soumis les acides aminés intertellaires soit à l'origine du déséquilibre actuel entre les différents énantioméres de ceux cis (voir + loin), marquant ainsi l'origine extraterrestre des premières briques du vivant.

On peut s'étonner que dans des zones à basse température (espace), des réactions chimiques puissent se produirent facilement. En fait, dans ces conditions, la cinétique des réactions n'obéit plus à la loi d'Arrhénius: la basse température ralentit l'agitation moléculaire et atomique, ce qui permet aux forces électrostatiques, importantes puisque les molécules interstellaires sont souvent chargées (radicaux libres) d'agir pour rapprocher les éléments devant réagir (cf Pour la science 266, 12/1999, p 14).

Les études expérimentales de la formation de molécules dans le milieu interstellaire (Mayo Greenderg, 1984, Allamandola, 1987, Berstein, 1999) montrent qu'a partir des molécules présentent à l'état gazeux entre les particules solides il se forme des couches successives de matériaux contenant de nombreuses molécules carbonées: il y a incorporation du carbone dans une "matrice contenant de l'eau sous la forme de glace amorphe (non cristallisée).

 



Les grains de poussière jouent dans l'espace
le rôle d'intermédiaires de synthèse, de catalyseurs... et sur Terre ?

L'énergie nécéssaire aux réactions est fournie par les photons UV qui peuvent déclencher un réchauffement du grain de poussière de plusieurs dizaines de Kelvin, favorisant ainsi de nouvelles réactions chimiques par modification de la structure de la glace (Blake, 2001). Si ce réchauffement est trop important, il peut conduire à une vaporisation partielle des matériaux organiques du grain à la suite d'une réaction en chaine mettant en jeu les radicaux libres piégés dans la matrice.

Origine de la poussière interstellaire

La plupart des particules de poussière interstellaire prennent naissance à partir des particules de silicates qui se condensent dans l'atmosphére des étoiles supergéantes de classe M. La pression de radiation causés par le rayonnement stellaire propulse dans l'espace ces grains, leur température n'étant plus alors que de l'ordre de la dizaine de Kelvin (- 263 °C). Initialement amorphes, ils adoptent alors une configuration partiellement ou totalement cristalline (Molster & al., 1999). C'est à partir de ces particules que vont se condenser les grains interstellaires. Bien que ces processus se déroulent dans un environnement très peu dense, les grains grossissent en incorporant puis en modifiant les éléments qu'ils rencontrent.

 

Les molécules du système solaire primitif

Gardons présent à l'esprit que les silicates composant les grains de poussière contiennent une proportion importante de sulfures métalliques, d'oxydes et d'argiles. De part leur structure floconneuse, ces composés offrent une énorme surface sur laquelle des synthèses peuvent se développer. Ils ont une grande importance pour la suite des événements.

Alors que se forment planètes, comètes et astéroïdes, la nébuleuse protosolaire contient donc déjà de nombreuses molécules organiques: eau, alcools, acides aminés... ainsi que des catalyseurs potentiels. Température, densité et pression diminuent au fur et à mesure que l'on s'éloigne du soleil.

Nous sommes il y a 5 milliards d'années. Pour l'essentiel, les planètes se sont formées et sont en train de se refroidir. Les planètes telluriques, chauffées sous le triple effet de leur contraction gravitationelle, de la désintégration de leurs éléments radioactifs et des impacts de météores, voient leurs éléments les plus lourds se rassembler pour former rapidement (quelques dizaines de millions d'années) un noyau, surmonté d'un manteau fluide et d'une croûte en cour de solidification, entourée d'une atmosphère principalement composée de dioxyde de carbone et d'un peu d'azote, atmosphère sans doute très épaisse (Allégre, 1994) et plus riche en hydrogène que l'on ne l'aurait cru. 

Les analyses menées en avril 2005 par la sonde Cassini sur Titan montrent que la haute atmosphère constitue également une source non négligeable de molécules organiques : sous l'influence du roiayonnement solaire, les molécules de N2, CO2, CH4 et H2 se recombinant. Sur Titan, actuellement, ces réactions aboutissent à la formation de molécules comportant 7 atomes de C (soit plus que les bases puriques et pyrimidiques !) qui "sédimentent" ensuite vers le sol.

Aspect d'un grain de poussière interstellaire en microscopie électronique a balayage: la structure floconneuse apparaît nettement. Au niveau des dimensions et de la forme, cela correspond aux ribosomes actuels. Photo JP Bradley

Jusqu'à 3,9 milliards d'années, les collisions dans le système solaire étaient extrêmement fréquentes (Bendjoya, 1998).

L'une d'elle, il y a 4,5 milliards d'année, avec un corps de la taille de Mars, a été si violente qu'une grande partie de l'enveloppe externe de la Terre a été arrachée, s'est satellisée et a formé la Lune. A cette occasion, notre planète a perdu sa première atmosphère et ses océans éventuels, se trouvant recouverte d'un océan de Magma d'un millier de km de profondeur (Righter & al., 1997). Ces impacts géant vont avoir des conséquences sur l'atmosphère qui va se former: le coeur de fer de notre planète va se former très rapidement, en moins de 30 millions d'années (Yin et al. 2002), il ne percolera pas à partir du manteau, ce qui influera sur la composition chimique de ce dernier et les gaz qui vont d'en échapper, lesquels ne seront pas aussi réducteurs que le croyait les premiers chercheurs, comme Urey, à s'être interessé au probléme dans les années 60.

L'incessant bombardement qu'a subi la Terre semble coincider avec le développement de la vie: loin de bénéficier de calmes océans, il semble bien que la vie ait commencé dans des conditions chaotiques! Entre 4 et 3,85 milliards d'année, la Terre a subie 20 fois plus d'impacts que la lune (Zahnle & al., 1997). Malgré l'atmosphère, 10 à 20 de ces impacts ont du creuser des bassins de plus de 2000 km de diamètre et ont dégagés assez d'énergie pour vaporiser toute l'eau de la planète. Il est toutefois possible, comme le signale G. Ryder (2003) que la chronologie des impacts majeurs, fondés sur l'analyse et la datation des structures lunaires, soit en réalité très floue et que ces impacts cataclysmiques, stérilisateurs, aient eu lieu il y a plus de 4 milliards d'années, laissant à la vie un milieu agité certes, mais moins délètère que celui couramment envisagé (pendant les derniers 600 millions d'années, 1500 astéroïdes de plus d'un km de diamètre ont frappé la Terre, dont 200 sur les continents: certain ont provoqué des extinctions, mais aucun n'a détruit toutes les formes de vies qui ont évoluées sans cet intervalle...). Toutefois, il semble bien que l'on doive conclure que la vie apparaît sur Terre dès que cessent les bombardements les plus importants (ceux impliquant des corps de plusieurs centaines de km de diamètre).

impacts

Energie libérée par les impacts météoritiques subis par notre planète. Les carrés vides se réfèrent à des données lunaires (tycho, Copernic, Langrenus, Hausen, Tsiolkovsky, Iridum, mare orientale et mare Imbrium) alors que les pleins documentent des impacts terrestres avérés (Chicxulub, Manicugan, Sudbury, Vredevort et l'épaisseur des différentes sphériules datant de l'Archéin. La première donnée correspond à la formation de la Lune.

La bande grisée décrit bien la décroissance de l'énergie destructrice des impacts. La ligne pointillée signale la limite en deça de laquelle un impact ne vaporise plus toute l'eau des premiers océans.

Adapté de Sleep & al., 1989 (Sleep NH, Zahnle KJ, Kasting JF, Morowitz HJ. 1989. Nature 342:139–42)

Par la suite, alors que l'activité volcanique libérait de nombreux gaz, dont de la vapeur d'eau, les comètes enrichissaient également la Terre en eau alors que les astéroïdes et surtout les micrométéorites (Maurette, 1998) se chargeaient d'amener des composés non seulement carbonés mais aussi azotés (Marty & al., 2001). Il en était de même pour toutes les planètes telluriques (exceptée Mercure, trop prés du soleil). En effet, et contrairement à la théorie encore majoritairement acceptée par les géologues (et émise pour la première fois en 1894!), les matériaux (fer et silicates) qui ont formé notre planète ne pouvaient pas contenir originellement assez de matériaux volatils pour constituer une atmosphère, car ils ont été porté à une température de l'ordre de 1000 K (Delsemme, 1996; d'après Larimer et Anders). 

Des collisions à la dispersion de la vie: la diaspora bactérienne

Des données récentes amènent à reconsidérer la dynamique du développement du vivant à l'échelle galactique. Ces dix dernières années, nous avons appris que:

  • les impacts de grosses météorites sont capables de satelliser ou de propulser dans l'espace des matériaux de la planète frappée (O Keefe, 1986).
  • les bactéries sont capables de survivre plusieurs centaines de millions d'année dans certains minéraux (Cano & al., 1995; Vreeland & al., 2000)
  • des minéraux peuvent résister à une rentrée atmosphérique sans échauffement notable de leur intérieur
  • les bactéries peuvent résister au vide spatial et aux rayonnements stellaires (Mileikowsky, 1997)

Il en résulte que si l'on rapproche le taux de développement des bactéries, l'époque de l'apparition de la vie et la fréquence des impacts météoritique, ils est très probable que plusieurs météores comportant des formes de vies primitives aient pu être expédiés au hasard au delà du système solaire ou à l'intérieur de celui ci. Ces formes de vies se révélant parfaitement capable de résister à un long voyage et à une rentrée atmosphérique, on doit en déduire que les planètes du système solaire (ainsi que peut être, les étoiles proches), ne sont pas biologiquement isolées. Les conséquences de ce phénomène de dissémination sont importantes:

  • Les formes de vies bactériennes sont les mêmes sur des planètes différentes, avec un code génétique commun
  • Vu leur gravité importante, les planètes joviennes et leurs satellites ont du être "contaminées" voici longtemps. La récente mise en évidence de l'existence de bactéries atmosphériques (Sattler & al., 2001 ) sur Terre laisse entrevoir l'existence d'une vie bactérienne dans l'atmosphére des planètes joviennes. La perennance de structures atmosphérique complexes dans leur atmosphère faciliterai le maintient de ces formes de vie.

Les aventures de la polymérisation

L'irritant problème de la chiralité du vivant

La popularité, l'omniprésence du carbone dans les édifices moléculaires nous conduit à un irritant problème de géométrie dans l'espace. L'atome de carbone peut former 4 liaisons avec d'autres atomes, il occupe alors le centre d'un tétraèdre. Dans les acides aminés et les nucléotides, au moins un atome de carbone (dit alpha) porte 4 "partenaires" différents et devient alors asymétrique: on ne peut plus le superposer à son image dans un miroir (comme vos mains!). On a donc des acides aminés "droits" D et des acides aminés "gauches" L, et il en est de même pour les nucléotides. Ces deux formes (on parle d'énantioméres) possèdent les mêmes propriétés chimiques. Elles devraient donc se rencontrer à part égale chez les êtres vivants. Et pourtant... ce n'est pas le cas! Les molécules du vivant sont construites presque exclusivement avec des acides aminés L et des nucléotides D.
Pourquoi cette préférence ? Bien qu'un léger (10-17!) excès de stabilité chimique affecte les acides aminés L, celui ci est trop insignifiant pour expliciter leur "sélection" dans le vivant. Il semble bien que celle ci découle directement des quantités de molécules présentent dès le départ, et favorisant un énantiomére. Pour aboutir à un énantiomère esclusif, un excès de départ de seulement 1% suffit, étant ensuite amplifié par les réactions chimiques successives conduisant aux organismes.
Ceci nous éclaire sur les processus de synthèse de ces molécules, car la plupart des phénomènes étudiés aboutissent à des synthèses équilibrées des formes D et L. Une façon d'obtenir un enrichissement en un énantiomére est d'utiliser un milieu de synthèse asymétrique. Ce milieu, difficile a obtenir sur Terre, peut être plus facilement trouvé dans l'espace
(Bonner, 1998):
  1. - Le rayonnement synchroton polarisé circulairement d'une étoile à neutron peut orienter la synthèse des acides aminés extraterrestres vers un excès isomérique. C'est aussi le cas de certaines Supernovae dont la production d'antineutrinos peut conduire à un excès de chiralité dans les molécules du milieu interstellaire (Cline, 2005)
  2. - D'autres rayonnement polarisés circulairement, dans l'infrarouge, ont été identifiés dans les régions de formation stellaire et peuvent contribuer à cette orientation de la synthèse des acides aminés (Bailey et al., 1998, Lucas & al., 2003).
  3. - L'étude des acides aminés contenus dans la météorite de Murchison montre pour certain un excès de plus de 10% d'une des formes optiques  (Ehrenfreund P. & al., 2001)
  4. - Des expériences de synthèse en milieu interstellaire artificiel ont aboutit à la formation des acides aminés glycine, sérine et alanine avec déséquilibre énantiomérique (Bernstein & al., 2002).
  5. - D'autres reconstitutions du milieu interstellaire ont permit de caractériser une photochimie UV synthétisant des AA optiquement orientés (synthèse asymétrique, Meierhenrich & al., 2004).
  6. - L'irradiation expérimentale de leucine solide avec une lumière polarisée droite, à la même longueur d'onde que dans le milieu interstellaire, a aboutit à un excès énantiomérique de 2,6 % (Meierhenrich & al., 2005
  7. - De façon surprenante, G. Rosen (2002) propose de lier l'assymétrie moléculaire aux proprités de l'univers dans son ensemble: il propose un effet de la matière noire sur la matière ordinaire aboutissant à une dissymétrie au niveau de la distribution des niveau d'énergie des électrons, ce qui permet d'obtenir (Hegstrom, 1982) des molécules homochirales.
Il est donc très probable que les premiers acides aminés ait bien été apportés sur Terre par les micrométéorites et la poussière interstellaire. Les phénomènes autocatalytiques des premiers organismes peuvent ensuite avoir amplifiés le déséquilibre énantiomérique originel (Il y a là un point très intéressant, un des rares "fossiles" susceptible de nous renseigner sur le tout début de la vie...). En effet, il n'est pas nécéssaire d'obtenir un grand excés isomérique pour, au final, se trouver avec une seule forme optique dominante: les faibles % en excès tirant leur origine de processus physiques peuvent être fortement amplifiés par des moyens variés (cycles de polymérisation et hydrolyse, évaporation et cristallisation...) mais surtout catalyse assymétrique permettant d'amplifier un excès de 2 % jusqu'à une valeur supérieure à 99 % (Soai & al., 1995, 2000 et Shibata & al., 1998).

La simple évaporation d’une solution d’acides aminés présentant un léger excés d’une forme optique sur un support argileux ou silicaté peut conduire à la formation de cristaux où se produit un enrichissement énantiomérique variant entre 20% (L Alanine sur terra cota) et 600 %. (L Acide aspartique sur le même support): la cristallisation conduit à un déséquilibre énantiomérique croissant si elle se reproduit cycliquement sur une logue période.
S. Goldberg, de l’université de la Nouvelle Orléans, a imaginé un ensemble de cycles inondation/évaporation/ruissellement (Goldberg SI, 2007) permettant d’amplifier fortement un faible déséquilibre énantiomérique d’origine extra terrestre pour aboutir à un milieu liquide contenant principalement une seule forme optique. Cette séduisante hypothèse (qui se base tout de même sur l’évaporation expérimentale de solutions pures et saturées d’acides aminés, qui ne sont certes pas représentatives de celles disponibles dans les emps prébiotiques, in situ...) reste à tester en situation "réelle".


Voir aussi à l'observatoire de Bordeaux le site du projet DREAM (Dosage des Rapports Eniantomériques des Acides aminés dans les Micrométéorites).

Orgeuil murchison acides amines
Le tableau ci dessus (extrait de Ehrenfreund P. & al., 2001, avec l'aimable permission des auteurs) montre bien l'existence d'un déséquilibre énantiomérique dans les acides aminés trouvés dans des météorites. Il permet aussi de constater: 1 - le fait que même des météorites de classe CI contiennent des acides aminés. Ces météorites étant des morceaux de noyau cométaire, cela confirme l'existence de synthèse d'AA "a froid". 2 - la richesse en AA des météorites de classe CM. 3 - l'existence de processus de synthèse asymétrique dans l'espace et -4- les marges d'erreur importantes des différentes valeurs, causées par le faible volume d'échantillons à analyser, leur nombre limité et le caractère hétérogène de la distribution des AA dans la roche. Les valeurs données sont des parties par milliard (ppb= part per billion)

Cerrtains auteurs sont malgré tout à la recherche d'un milieu de synthèse assymétrique terrestre: Ainsi, il a été proposé (Goodman & Gershwin, 2006) que la rotation (assurément asymétrique !) de la Terre provoque, à l'aube et crépuscule, en opposition de phase avec les profils de température (inconnues...) des océans, un tri isomérique parmi les acides aminés: les isoméres D des AA aurait été détruits au crépuscule dans une mer plus chaude qu’à l’aube, produisant ainsi un excés quotidien d’isoméres L protégé du rayonnement par la nuit (en négligeant l'influence de la Lune...) et par sa diffusion dans les zones océaniques plus froides et plus obscures. les premières formes de vies marines auraient incorporé cet excés isomérique fixé depuis dans le vivant.

Pour expliquer l'homochiralité D des acides nucléiques également faire appel à des précurseurs de l'ARN, les pyranosyl-ARN dont la plus grande résistance et la meilleure sélectivité pourrait expliquer cette sélection isomérique (Bolli et al., 1997). On ne peut cependant exclure un effet provenant de certains catalyseurs minéraux terrestres, mais cela semble à ce jour bien improbable. Aucune explication convainquante de cette homochiralité n'a encore été avançée.

Certaines études avait fait apparaitre que les acides nucléiques ne pouvaient conserver leur propriétés de réplication en présence d'une population racémique d'acides nucléiques. Toutefois, l'importance de cette inhibition croisée énantiomérique a été grandement exagérée : elle ne s'exerce que vis à vis de monomères, alors que l'addition d'oligomères permet de contourner cette difficulté (Borcher & al., 2004). Dans les conditions prébiotiques, l'existence d'un milieu comprenant un mélange de monomères et d'oligomères est probable, ce qui rend peu plausible un "blocage" en milieu racémique.

Une minirevue (en anglais) parue en 2004 dans Experimental biology and medicine

Les différents lieux de l'apparition de la vie

A la surface des planètes telluriques...

Il y a 4 milliards d'années, la croûte terrestre est à peine refroidie. Notre planète s'est formée, d'après les donnée radiométriques et l'étude des météorites, il y a 4,56 ± 0,01 Ga, par un processus d'accrétion qui a duré environ 100 millions d'années (Canup & al., 2000).

Les éruptions volcaniques sont fréquentes, la température des océans voisine de 80°C. Une épaisse atmosphère (80% d'eau, 19% de CO2 et 1% d'azote) enveloppe la Terre, mais aussi probablement Vénus et Mars, ou plusieurs grandes étendues d'eau atteignent plus de 10m de profondeur.

L'absence d'oxygène, donc d'ozone, expose la surface des planètes au rayonnement UV solaire (absorbé par 10 m d'eau environ), bien que notre étoile  soit alors au minimum de sa luminosité (30% inférieure à l'actuelle).
Cette situation n'est pas sans poser problème: notre planète aurait du être recouverte de glace, ce qui implique l'existence d'un très fort effet de serre pour maintenir une température élevée (à moins que la vie ne soit apparue sur une terre ressemblant à une boule de neige, ce qui est effectivement arrivé bien plus tard dans l'histoire de notre planète - Bodiselitsch & al., 2005), attestée par la présence d'eau liquide qui a laissé sa marque dans les roches de cette lointaine époque.


Le graphique ci contre, (adapté de Kasting & al.,1988 d'après Gough, 1981) illustre les modifications de la luminosité solaire au cours de l'histoire de la Terre.
La courbe représente l'augmentation de la luminosité solaire en fonction du temps, alors que la zone grisée est comprise entre un minima correspondant à la température radiative de la Terre et un maximum correspondant à la température moyenne de la planète (calculs effectués sur un modèle ou CO2 et H2O ont des valeurs correspondante à 300 ppmv CO2).
young sun pb

La Lune, 3 fois plus proche de la Terre et plus inclinée sur l'ecliptique qu'actuellement, y provoque des marées de forte amplitude (10 fois le niveau actuel), et ce d'autant plus fréquemment que la rotation de notre planète ne dure que 12 h seulement! Les pluies sont très acidifiées par le CO2 atmosphérique et attaquent les silicates, amenant ainsi de nombreux ions en solution dans une eau très chaude...

ARGUMENTS

H2O liquide sur Terre avant 3 Gy:

- Sédiments aquatiques entre 3.8 et 3.9 Ga (A. P. Nutman, J. H. Allaart, D. Bridgewater, E. Dimroth, M. Rosing, Precambrian Res. 25, 365, 1984)

- Stromatolithes dans des zones de maréeil y a 
3.5 Ga

- laves en coussin formées par des magmas submergés agées de plus de 3 Gy.

Depots détritiques de grains d'uraninite entre 3.0 et 2.3 Ga


turbidites et traces sous marines entre 3.5 et 3.0 Ga (K. A. Eriksson, Tectonophysics 81, 179
, 1982).
ARGUMENTS
Terre a climat chaud avant 2,5 Gy:

- Absence d'indices de glaciation avant 2.7 Ga (J. F. Kasting, Palaeogeogr.  Palaeoclimat. Palaeoecol. 75, 83, 1989)

- Possibilité que les tillites les plus recents ait été formées par des impacts plutot que par des conditions glaciaires, ce qui implique l'existence d'un climat chaud voici plus de 2 Ga (V. R. Oberbeck, J. R. Marshall, H. R. Aggarwal, J. Geol. 101, 1,1993)

- Thermophilie des
archaebacteria [C. Woese, Microbiol. Rev. 51, 221,1987) mais qui peut corespondre à un caractére sélectionné dans une population qui a survécu à une période de hate température résultant d'un des derniers impacts majeurs il y a 3,8 Gy (ce qui implique une origine très précoce de la vie) - M. Gogarten- Boekels, E. Hilario, J. P. Gogarten, Origins Life 25, 251, 1995)

- L'étude des isotopes du soufre indique une température océanique comprise entre 30 et 50°C entre 2.6 et 3.5 Ga (H. Ohmotu, R. P. Felder, Nature 328, 244, 1987)

- Les isotopes de l'oxygène indiquent une température moyenne de surface de plusieurs dizaines de °C entre
2.5 et 3.5 Ga (L. P. Knauth, S. Epstein, Geochim. Cosmochim. Acta 40, 1095, 1976).

- D'autres données comparant les taux d'isotope 18 de l'oxygène dans des cherts et des phosphates de la même époque indiquent des températures de l'ordre de 100°C voici 3.8 Ga [J. Karhu, S. Epstein, 
Geochim. Cosmochim. Acta. 50,1745, 1986).

A partir des molécules organiques synthétisées in situ et celles d'origine extraterrestre, les premiers polyméres (peptides et acides nucléiques) vont se former. Cette polymérisation a lieu simultanément dans plusieurs milieux, à des vitesse et avec des rendements différents:

Résumons nous: on se retrouve avec un monde chaud, nanti d'eau, d'acides aminés à la pelle, d'adénine, mais ou l'ARN semble bien difficile à faire apparaître...

Un précurseur innatendu: l'Urée.

Le Dr N.Psychogios, pharmacien chimiste, a attiré mon attention sur un mode possible de formation des précurseurs des acides nucléiques utilisant l'urée (ce n'est pas la première fois: dés 1995, Robertson et Miller - oui, celui de l'expérience- ont proposé une voie de synthèse de cytosine et d'Uracyle à partir d'Urée et de cyanoacétaldéhyde; voir ici pour plus de détails) . Il propose le scénario suivant (que j'illustrerai dès que je le pourrai):

1 - De l'urée se forme à partir d'ammoniac et du CO2 de l'atmosphèe prébiotique. De l'ammoniac devait être présent dans les océans, et comme le précise N. Psychogios: " NH3 et CO2 ont du logiquement réagir en tant qu'acides et bases "dominants", précipiter sur les rives de l'océan primitif et se déshydrater pour donner de l'urée (solide ou liquide) qui elle même était alors immédiatement disponible pour réagir avec l'atmosphère. Le milieu local était forcément basique car l'urée se dimerise en milieu anhydre et chaud en liberant de l'ammoniac, lui même sobluble dans l'urée, contrairement au CO2. ". L'urée se forme dans les expériences " à la Miller", mais avec un rendement très faible (0,03 %)

Les conditions de la synthèse ici décrite sont une forte pression et une température élevée: 140 bar et 150 à 180°C, mais elles ont pu être obtenues à partir d'impacts, ou dans l'atmosphère lors de l'ablation de météorites de faible masse. cette synthèse fait intervenir un intermédiaire, le carbamate d'ammonium, dont la déshydratation forme l'urée. Cette molécule est peut être une des cles des synthèses prébiotiques.

2-  L'urée formée réagit à son tour avec deux molécules dont on peut supposer qu'elle ait été présentes dans l'atmosphère prébiotique:  le cyanoacétylène et  le formylacétylène  (tous deux identifiés dans l'atmosphère actuelle de Titan). La réaction qui se produit est une condensation, qui aboutit aux résultats suivants:

cyanoacétylène + urée --> thymine

formylacétylène+ urée -->  uridine 

Comme le remarque notre chimiste avec raison: " Les produits de condensation de l'urée sur le cyanoacetylene et le formylacetylene ne sont par contre pas ou peu solubles dans l'eau ce qui provoque immanquablement une concentration de ses bases en bordure d'ocean. " De plus, ces réactions ne font pas intervenir l'eau. Elles peuvent donc se produire "à sec", où dans des milieux pauvres en eau (soupe d'hydrocarbures, urée liquide... ?)

Cette voie conduirait à une accumulation de bases dans un milieu "sec", donc plus favorable à une polymérisation ultérieure que les scénarios faisant intervenir des réactions dans un milieu riche en eau.

The problème: polymérisation des acides nucléiques...

Pour enchaîner les différents monomères, il faut réaliser des réactions de polymérisation. Pour cela, il faut lier deux molécules en leur enlevant une molécule d'eau. Malheureusement, en milieu aqueux, c'est la dépolymérisation (hydrolyse) qui est favorisée (empêchant l'allongement des polymères protéiques ou nucléiques). Comme le déclare Shapiro (1998): "L'eau n'avait de cesse d'empêcher l'assemblage des grosses biomolécules et de détruire celles qui étaient parvenues à s'assembler". On doit donc trouver un milieu qui favorise la polymérisation. Pour cela, il faut concentrer les réactifs ou enlever l'eau, et surtout coupler la réaction à une source d'énergie (par exemple une autre réaction qui libérerait de l'énergie). En effet, l'allongement d'un polymère nécessite de l'énergie alors que l'hydrolyse produit de l'énergie, ce qui lui permet de se produire spontanément. Comment résoudre ce problème, parfois pudiquement évacué par les meilleurs "bio-men "?

Je propose une synthèse des prè-ARN catalysés par et sur les poussières interstellaires porteuses d'acides aminés. Des acides nucléiques pourraient aussi être synthétisés au niveau des grains de poussière interplanétaire, polymérisés sous l'effet des rayonnements et adsorbés à leur surface. L'expérience de cette synthèse lente, à froid et à sec, reste à faire.

Il est cependant possible d'obtenir une synthèse de nucléoside puriques (ribose + base purique mais sans phosphate - Orgel, 1994). On obtient ainsi une grande variété de molécules ("ARN-like") de pré-ARN  puriques (comprenant A et G). En effet, il est difficile d'obtenir la liaison chimique entre le ribose et les pyrimidines (C et U). Plusieurs autres indices venant de l'observation du métabolisme actuel de nos cellules plaident, qui plus est, en faveur de la formation de nucléotides primordiaux essentiellement puriques.

La formation de ribose n'est pas le moindre des problémes: celui ci se forme certes assez facilement, mais en petite quantité. L'intervention des ions phosphates, si ils sont disponibles, peut cependant enrichir le milieu réactionnel en ribose.

Toutefois, en mai 2009, une équipe de l'université de Manchester a obtenu des résultats étonants en arrivant à synthétiser directement des nucléotides phosphates sans avoir à passer par les étapes délicates de synthése du ribose puis de liaison de ce dernier aux bases azotées. Le principe est de partir des molécules prébiotiques courantes pour aboutir à une précurseur commun au ribose et aux bases (de l'amino-oxazole), lequel réagit avec le mélange pour donner ensuite des molécules comme l'uracyle ou la cytosine (Powner & al., 2009).

La synthèse d'un précurseur du ribose est également plausible: si on remplace la forme furanose (en pentagone) de la molécule de ribose par sa forme pyranose (en hexagone), on obtient une synthèse plus facile (Eschenmoser A, 1999) d'un "pyranosyl ARN" aux propriétés interessantes. Cela laisse penser que l'ancêtre de l'ARN devait être chimiquement assez différent de celui ci, qui résulte déjà de processus de sélection et d'évolution moléculaire: même pour les molécules, nous n'observons que le résultat final de processus complexes.

Il serait possible que les premiers nucléotides aient simplement été des chaines de purines (xanthines ?) liées à des ribose de forme furanose. Ces molécules, ne pouvant s'apparier, auraient été au départ "simple brins", liées et stabilisées par exemple par des éléments minéraux. Un des point d'achoppement principaux consiste à réaliser la liaison entre les nucléotides au moyen d'un groupe phosphate. C. de Duve propose une polymérisation utilisant l'énergie de la liaison thio-ester et des phosphates fournit par une eau suffisemment acide (ce qui était le cas avec une atmosphère de 80% CO2) pour dissoudre le phosphate de Calcium des roches.

Les courtes chaines de pyranosyl ARN sont capable en solution de se lier, en effectuant une sélection des diverses formes optiques, et de former ainsi des oligoméres se replient et se liant comme un ARN "à ribose". Plus simplement encore, les molécules de la famille des oligonucleotides (L)-a-threofuranosyl (TNAs), dérivés d'un sucre à 4 carbone seulement, sont capables de s'apparier et de se lier à la fois avec l'ARN et l'ADN (Schoning et al., 2000). Ces molécules représentent donc de bon candidat au titre d'ancétre des nucléotides! Autres candidats moléculaires au titre d'ancêtre de l'ARN, les PNA (peptidic nucleic acid) où acides peptidiques nucléiques (Nielsen, 2004) dans lesquels les riboses de l'ADN sont templacés par des acides aminés. Ces molécules situées à mi chemin entre protéines et acides nucléiques, sont étudiées pour les éventuels effets thérapeutiques mais sont également capable de s'apparier en doubles hélices très stables, et présentent un comportement reproduisant bien celui de l'ADN.

En effet, la capacité de former des appariement antiparalléles (paires de Watson-Crick) est assez répandue chez les nucléotides. Cela permet d'étudier leurs propriétés lors de synthèses in vitro, et de les comparer à celles des ARN actuels. D'autres édifices moléculaires peuvent présenter des capacités de reproduction, d'évolution et d'exploitation d'un milieu (Rebek, 1994). Ainsi, une molécule comme l'A.R.N.I. (adénine-ribose-naphtalène-imide) est capable de se reproduire. Sous l'influence de rayonnement UV, une population de molécules légérement différentes se constitue: on retrouve une quasi espèce. Une autre molécule, la di-aminotriazine xanthène-thymine (DIXT) présente également cette capacité d'évolution. On peut notre que l'adénine entre fréquemment dans leur composition, ce qui est interessant car un mécanisme de synthèse pré-biotique de cette molécule est connu. Les autres molécules utilisées peuvent être synthétisées sur les grains de poussière interstellaire...

Une hypothèse iconoclaste: le tout protéine

Et si nous faisions fausse route ? Depuis la découverte de T. Cech, tout le monde considère que l'ARN est la première molécule organique originelle. Et si nous avions eu au début une information protéique, bien plus simple, se transmettant simplement par contact avec des oligonucléotides ? Cette idée m'est venue en effectuant des recherches sur le fameux prion, cette protéine extrêmement résistante (hélas!) capable de transmettre son "information" sans matériel nucléotidique.... La première molécule autoréplicative n'aurait elle pas pu être un "paléoprion", transmettant uniquement une forme donc découlerait, plus tard, une fonction... Je pose la question.

Historiquement, la piste des protéines a précédé celle des acides nucléiques. Elle a été particulièrement explorée par l'équipe de S. Fox, directeur de l'institut de génétique moléculaire et cellulaire de Miami, disparu en 1998. Ce dernier a obtenu par chauffage d'un mélange d'acides aminés divers des polymères voisins des protéines, les protéinoïdes, qui présentent la propriété de pouvoir former des sphéroïdes microscopiques capables de se diviser, mimant en cela des processus biologiques et fournissant la matière première à l'édification de "capsules" protéiniques protégeant les premiers organismes...

Dans les années 80, l'équipe de Stuart Kauffman a envisagé la possibilité d'une vie primitive essentiellement constituée d'un ensemble de peptides douées d'activités autocatalytiques (Kauffman; Farmer & al., 1986). Le gène serait alors apparu après les protéines, dont les acides aminés sont obtenus par les synthèses prébiotiques. L'approche originale de cette équipe consiste à considérer qu'il n'y a pas eu une molécule comparable d'emblée à l'ADN mais émergence d'un comportement d'ensemble, concernant une vaste population moléculaire peptidiques (comportant entre 5 et 27 AA), reproduisant celui dévolu actuellement aux acides nucléiques. Ainsi, la reproduction de ce "pool autocatalytique"  est accomplie  car chaque espéce moléculaire catalyse un peu la formation d'une autre, laquelle influe à son tour sur une troisième... ect. Ce réseau, une fois modélisé informatiquement, montre alors que la reproduction et l'évolution moléculaire sont possibles dans ce cadre. Le transfert de l'information à un acide nucléique serait intervenu plus tardivement, permettant de multiplier le nombre de molécules peptidiques possibles. Ce schéma nous raméne aux idées de J. Keosian  et du physicien F. Dyson selon laquelle "les premiers fossiles seraient ceux d'organismes qui fonctionnaient avec un systéme génétique fondé sur les protéines, fonction transférée secondairement aux ARN puis à l'ADN".

 
L'indispensable mécanisme de couplage énergétique

Un apport d'énergie est indispensable à la formation des liaisons chimiques liant les monomères entre eux. Cette énergie est fournie par des liaisons chimiques doubles ou triples, dans des molécules dites "riches en énergie". Ces molécules (des anhydrides) présentent l'avantage de se former spontanément en milieu chaud et anhydre (Baltscheffsky). Certains composés comme le carbodiimide (-N=C=N-) fournissent assez d'énergie pour une polymérisation. D'autres agents de couplage sont le cyanogène, le cyanamide, les cyanoacétylène et le diaminomaléodinitrile (leur énergie est stockée dans une triple liaison CC ou CN).

Pourquoi les agents de couplage ne réagissaient ils pas plutôt avec l'eau qu'avec les monomères présents? La liaison entre les monomères et des ions phosphates a pu favoriser ce couplage au détriment de l'eau. Par cette voie, on a obtenu des synthèses de polyphosphates (AN). Les polyphosphates sont utilisés encore de nos jours par certaines bactéries qui stockent leur énergie dans des corpuscules à polyphosphates dans leur cytoplasme. Il se peut aussi, tout simplement, que ces synthèses se soient réalisées sans eau du tout, dans des milieux secs... Tout comme l'O2 était à l'origine un poison pour les premières bactéries, il se pourrait que l'eau ait été un poison pour les premières formes de vies qui ont du s'y adapter ou disparaitre... (à l'opposé A. Brack, spécialiste français d'exobiologie, a déclaré que pour obtenir de la vie il fallait "de grandes étendues d'eau, pas des gouttelettes". Le seul problème étant que cela ne reflète que son opinion personelle et non les conclusions d'expériences scientifiques valides...)

Les pyrophosphates, ou phosphates minéraux, ont pu également fournir au monde prébiotique une source d'énergie appréciable (et qui expliquerait pourquoi tous les organismes utilisent toujours dans leur métabolisme l'énergie contenue dans l'ATP ou, parfois, le GTP). En effet, des bactéries photosynthétiques stockent toujours leur énergie, grace à une "PPase", dans des phosphates minéraux alors que la photosynthèse des eucaryotes met en jeu une ATPase et de l'ATP (cette photosynthèse bactérienne semble adaptée à une forte intensité lumineuse et à une disponibilité moindre des ions H+). De plus, ces pyrophosphates sont produits, par exemple, pendant les éruptions volcaniques:

4(H3PO4) --- (chaleur, perte d'H2O) ---> P4O10 ------- ( incorporation d'H2O) ------> 2 (H4P2O7) soit 2 pyrophosphates.

Il semble que, très rapidement, les premiers métabolismes (intégrés dans les êtres vivants où les précédant) se soient caractérisés par des mécanismes permettant d'accumuler de façon inégale des ions, ceci permettant d'obtenir un gradient électrochimique dont l'énergie est stockée par la suite par des liaison phosphates. Il suffit pour celà d'une membrane comportant des molécules perméables aux ions et dont l'une des faces est exposé à un rayonnement: un gradient ionique, source potentielle d'énergie pour le métabolisme, se met alors spontanément en place. Un métabolisme - ancêtre de la photosynthèse a donc pu apparaître très rapidement.

Toutefois, la disponibilité des ions phosphates dans le milieu réactionnel constitué par la Terre primitive est problématique (Gulick, 1955) : En milieu aqueux, les ions phosphates réagissent avec le calcium pour former de l'apatite, un minéral quasiment insoluble. Des 1972, Schwartz avait proposé que la formation du coeur terrestre se soit accompagnée d'un dégagement massif de phosphates, phosphites et acide phosphoriques obtenus par réduction à haute température. Pour résoudre ce problème, Glindeman & al. (1999) ont obtenu expérimentalement la formation de phosphites à partir d'apatite, grace à des décharges électriques. Ils proposent que les éclairs accompagnant les nuages dégagés par des éruptions volcaniques ait pu contribuer à la formation de phosphates incorporables dans les molécules prébiotiques, et ce dans plusieurs types d'atmosphères possibles (N2 avec de 0 à 10 % de méthane). L'andésite, dégagée sous forme pulvérulente lors d'une éruption, contient ainsi en moyenne  0,3 % de P2O5  qui peiut être soumis à l'action des éclairs. Le taux de production de ces phosphites est estimé par  Glindemann à  1.3×10−9 mol cm−2 yr−1, ce qui est un taux présentant un large excès par rapport à celui de formation volcanique d'un autre précurseur prébiotique, le HCN.
Les phosphites, mille fois plus solubles que le phosphate de Ca, conduisent à la formation d'acides phosphoniques lorsqu'ils sont en présence de molécules organiques et d'unb rayonnement UV. Ces acides ont déjà été mis en évidence dans des météorites, ce qui démontre leur formation en milieu spatiel et une possible contribution extraterrestre à l'enrichissement enacides phosphoniques de l'environnement primitif terrestre (Cooper et al., 1992), et auraient pu constituer une source de composés phosphatés pour l'élaboration des nucléotides ou de leurs ancêtres.

On ne peut exclure également à mon sens une synthèse des polymères en milieu sec, avec apport continu d'énergie résultant du rayonnement stellaire.

Un autre mécanisme peut être invoqué comme source d'énergie: il s'agit de la formation de pyrite à partir du sulfure d'hydrogène, sous haute température et pression (Wachtershauser, 1988).

Dans les poussières interplanétaires

Dans les régions de température assez élevée, des molécules prébiotiques se forment à la surface de minéraux tels que les argiles et les sulfures. Ces réactions se font dans une gangue de glace, dans un milieu semi solide. Elles aboutissent à la formation d'acides aminés et, sans doute, d'acides nucléiques. Dans les nuages moléculaires, il est possible d'obtenir des liaisons peptidiques (Wincel & al., 2000) mettant en jeu des intermédiaires protonnés. Ces réactions en phase gazeuse ouvrent la voie à la constitution de peptides spatiaux qui peuvent atteindre en grande quantité et sans dommage la surface terrestre (Maurette, 1998).

Dans l'atmosphère des planètes joviennes

Probabilité, complexité et déterminisme

Certains auteurs considèrent que la probabilité d'apparition de la vie est si faible que celle ci ne peut exister que sur Terre. Outre que la "diaspora bactérienne" met à mal une telle conception, d'autres arguments peuvent être invoqués pour justifier une "exception Terrestre". Réglons leurs compte avant de poursuivre:

  • En milieu aqueux, les phénomènes de diffusion et d'hydrolyse s'opposent à une forte probabilité de polymérisation: les réactions chimiques à la base du vivant se sont déroulées dans un contexte bidimentionnel. Cela change fortement les conditions du problème dans lesquels hydrolyse et diffusion n'interviennent plus du tout de la même façon. C'est cette difficulté qui a conduit à étudier des milieux de polymérisation contenant peu d'eau.
  • Le second principe de la thermodynamique s'oppose à la production de structures complexes: Outre que ce principe reste à ce jour très vague dans l'esprit de nombre de biologistes, les réactions chimiques caractérisant le vivant sont autocatalytiques. Se produisant hors équilibre, avec échange de matière et d'énergie avec l'environnement, elles peuvent fort bien aboutir à la mise en place de structures dissipatives (auto-organisées) comme le sont les cellules de Bénard formés par les courants de convection. Les réactions autocatalytiques, non linéaires, peuvent engendrer des systèmes de forte complexité, ce que révèle l'étude générale de leur comportement à long terme (dynamique non linéaire des systèmes dissipatifs - Tam, 1988) dans lequel interviennent les notions de chaos dynamique, d'attracteur et de dimension fractale. Cette prise en compte du second principe a été effectuée dès 1969 par Morowitz, qui a montré non seulement que  le flux d'énergie qui traverse nécéssairement tout être viant produit un travail qui maintient les structures ordonnées de cet être mais aussi que ce flux énergétique crée des cycles métaboliques (Benenson K, The Origin of  Biological Energy Conversion - Origin of Life Seminar - Weissman institute).
  • L'absence de déterminisme implique une apparition des structures complexes "au hasard". (Nous existons parce que nous avons gagnés au loto de la soupe prébiotique). La complexité ne sort pas du néant. Le concept d'évolution moléculaire, d'amélioration successive de produits existant s'oppose à cette conception. Une expérience in vitro (Biebricher, 1986, 1993 d'après les travaux originaux de Spiegelman puis Eigen) nous le démontre: une enzyme d'origine virale, la Q réplicase, reproduit une séquence S d'ARN. Le tube de départ S0 contient S, des nucléotides triphosphatés servant de "briques" et l'enzyme. Toutes les 30 mn, on prélève une fraction du mélange réactionnel et on l'incorpore dans un tube contenant de l'enzyme et des nucléotides triphosphatés. On obtient S1. On continue ainsi jusqu'à S100. Comme l'enzyme produit des erreurs de réplication (1/10000), on s'attend à aboutir à une population polymorphe d'ARN, avec une sélection aboutissant à la prédominance de séquences courtes, rapidement répliquées, et de séquences de forte affinité pour l'enzyme. Les erreurs se produisant au hasard lors de la copie, on devrait obtenir un ensemble de séquence obtenues au hasard, sans déterminisme. Que nenni! On obtient une population très homogène de séquences Sh différentes de S... De plus Sh dépend bien plus des conditions initiales que de la séquence S! Il y a eu de façon quasi-déterministe sélection d'une forme particulière d'ARN parmi les 10(120) possibles... Inutile donc d'essayer toutes les possibilités (on avait au maximum 10(16) molécules d'ARN/tube, soit 10(18) essais tout au plus...) pour arriver à un résultat a fortiori hautement improbable... La sélection naturelle s'appliquant aux molécules elles mêmes aboutit donc à un ensemble de processus quasi-déterministes.
  • Des expériences similaires ont été réalisées avec des séquences d' ARN de transfert dont le repliement a été analysé. Les auteurs de ces travaux (principalement P. Schuster et W. Fontana, 1994, 1998) ont obtenus une population de séquences variées dont le repliement a engendré une grande variété de formes. Ici aussi, les 4(n) séquences possibles n'ont donné lieu qu'à un nombre bien inférieur à 3(n)  séquences effectivement obtenues. Les évolutions progressives des ARNt obtenus ont été analysés mathématiquement dans un "espace des formes". Les conclusions obtenues ont bien montré que:
    • L'ARN permet de reconstituer de façon réaliste les processus à l'oeuvre dans l'évolution
    • les transitions brutales, discontinues, de la forme  de la molécule (donc de sa séquence) coincident souvent avec une meilleure adaptation aux conditions du milieu réactionnel. Ces transitions font suite à une "dérive neutre" ou apparaissent successivement un ensemble de séquences de plus en plus élognées de la séquence initiale mais aboutissant in fine à un même repliement de la molécule dans l'espace (Hani Neuvirth, Berith Isaac, Adi Salomon - RNA landscape - Origin of Life Seminar - Weissman institute).
    • La largueur de la population de séquences apparaissant au début du processus évolutif conditionne prioritairement la suite de l'évolution des séquences obtenues, et leur adaptation au milieu.
  • L'évolution menant des molécules aux premiers êtres vivants ne consiste pas à invoquer le hasard pour obtenir un assemblage ex-nihilo d'un micro-organisme performant. Comme le déclarait S. Fox: "Je pense que l'évolution a suivi un chemin très étroit, où le hasard a peu de place."

On se retrouve à présent avec des "ARN" et des peptides adsorbés sur des surfaces minérales. Dés le départ, ARN et peptides sont liés. En effet, les peptides stabilisent les ARN formés. Comme la formation de ces molécules est orientée par la géométrie de catalyseurs minéraux, la croissance des cristaux de ces mêmes minéraux, reproduisant leur répartition de charges ainsi que leur forme, fournit une multiplication des lieux de synthèse: la reproduction n'est alors que minérale, l'organique venant en surplus. En même temps que ces synthèse minérales, le milieu liquide est le siège d'un enrichissement en composés susceptibles de former des membranes. Nous allons bientôt les retrouver...


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