Les planètes joviennes: de l'audace...



L'atmosphère
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L'atmosphère des planètes joviennes contient de nombreux composés organiques. Nous savons qui plus est que de nombreux éclairs extrêmement puissants peuvent fournir assez d'énergie pour des réactions chimiques. En profondeur, cette atmosphère contient des gouttelettes d'eau en suspension dans un mélange de gaz méthane, ammoniac et hydrogène. Le rôle important des gouttelettes d'eau dans les processus de séparation des différents réactifs conduisant aux réactions prébiotiques a d'ailleurs été souligné dès 1979 par C. Woese. Des simulations de l'atmosphère Jovienne ont montré que l'on pouvait y obtenir de nombreuses molécules complexes (3-ethylaminopropionitrile par exemple). La complexité des molécules obtenues augmente avec la température (donc la profondeur dans l'atmosphère jovienne), ce qui laisse penser que les aminonitriles formés dans l'atmosphère jovienne peuvent conduire, par cyclisation, à des molécules aussi biologiquement importantes que les pyrimidines (Molton & al., 1974). Les observations réalisées par le satellite ISO ont confirmé que la haute atmosphère des planètes géantes est le lieu d'une chimie complexe: des hydrocarbures comme le diacétylène (C4H2), le méthyl-acétylène (CH3C2H), le radical méthyl (CH3) ou le benzène (C6H6) y ont été détectés, tout comme de l'eau et du CO. La présence de méthyl permet des réactions nombreuses, aboutissant à la formation de quantités appréciables d'hydrocarbures complexes pouvant former des brumes organiques dans la stratosphère des planètes géantes. ISO a également détecté la présence d'un apport continu d'eau dans la haute atmosphère de ces planètes. Notons également que la composition de l'atmosphère des planètes géantes correspond exactement à celle utilisée par Miller dans son expérience... et donc que la synthèse d'acides aminés, par exemple, y est certaine...

Qu'en est il de l'influence et du devenir de ce milieu complexe, enrichi en eau, lorsque ces molécules sombrent vers l'intérieur de la planète, ou la température et la pression augmentent?

La découverte des nanobes capables de résister à de fortes pressions et températures confirme, à mon sens, le bien-fondé de mon hypothèse quant à l'existence d'une vie dans l'atmosphère de Jupiter. De plus, de récents résultats mettent en évidence l'existence de bactéries se développant dans l'atmosphère terrestre et jouant peut-être un rôle climatique. Une atmosphère peut donc fort bien être le milieu de vie de bactéries (Sattler, 2000). L'existence de bactéries atmosphériques est supposée depuis la fin des années 60 (Bruch, 1967; Lysenko, 1979) , et ce à même à très haute altitude (30 km et plus!), dans un environnement qui tient plus de l'espace interplanétaire que de l'atmosphère terrestre! Par exemple, les bactéries doivent, à ces altitudes, avoir développé des protections vis-à-vis des rayons UV. Le 22 novembre 2000, un ballon stratosphérique affrété par l' ISRO (Indian Space Research Organisation) sous l'impulsion des Pr. Wickramasinghe, Hoyle et Narkilar a recueilli à haute altitude des bactéries apparemment inconnues. Des travaux plus anciens (Siegel, 1977) montrent que même des formes de vie terrestre peuvent s'accommoder d'une atmosphère d'ammoniac et de méthane: des bactéries (clostridium, pseudomonas) et des champignons (penicillum, torula) ont conservé leur activité métabolique (particulièrement pour Penicillum) pendant 6 mois dans une atmosphère d'ammoniac ou des mélanges NH3/CH4.
Dès lors, l'atmosphère jovienne, planète qui a dû intercepter nombre de météorites éventuellement porteuses de micro-organismes terrestres, doit être considérée comme l'un des sites du système solaire ou la vie microbienne est des plus probable. Rien n'empêche à mon sens le développement de formes de vies microscopiques, voire macroscopiques et "flottantes" au sein de cet océan suspendu (A.C Clarke a d'ailleurs écrit une très bonne nouvelle à ce sujet).

Dès 1979, C. Woese a proposé une idée nouvelle sur l'origine de la vie: celle-ci serait apparue dans de microscopiques gouttes d'eau en suspension dans l'atmosphère primitive, à l'époque où la Terre ressemblait à Venus... Ces gouttes se seraient condensées autour de poussières, chacune constituant un proto-organisme. Les premiers organismes à se former auraient été alors des méthanogènes qui utilisaient le CO2 atmosphérique en le combinant avec de l'hydrogène. Ce mode de synthèse peut parfaitement fonctionner dans l'atmosphère des planètes géantes, donnant naissance aux mêmes formes de vies (et, de fait, l'atmosphère jovienne contient bien du méthane...).
jupiter GTR
Il convient donc d'étudier au plus près la composition et la dynamique des couches profondes de l'atmosphère jovienne pour rechercher des éléments de confirmation à l'hypothèse d'une vie bactérienne sur jupiter. Des expériences de laboratoire peuvent également être mises au point...Qui osera ?



Les satellites

Europe, un océan peuplé de vers géants ?

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Ci-contre : à la surface d'Europe, des packs de glace glissent sur de l'eau ou une glace sous-jacente plus molle. Photo JPL.

Europe est l'un des nombreux satellites de Jupiter. Sa surface est recouverte de glace. La sonde Galileo y ayant découvert des changements par rapport aux images de voyager, on a identifié sa surface comme une croûte de glace de quelques km d'épaisseur flottant sur un océan d'eau liquide. Les effets de marée due à la proximité de Jupiter doivent chauffer l'intérieur du satellite. Une chimie prébiotique a pu se développer au fond de cet océan pour donner des formes de vies qui pourraient ressembler aux Riftia, ces vers géants qui vivent près des sources hydrothermales, au fond des océans terrestres, sans lumière ni nourriture organique...

Des mouvements de convections sous la glace ont été mis en évidence (Pappalardo, 1998), signes de l'existence d'une source de chaleur profonde; et il a été envisagé une origine bactérienne (Dalton, 2001) pour les composés colorés présents à la surface de ce satellite énigmatique. W. Chyba et K. Hand, de Stanford, ont proposé en 2001 deux mécanismes permettant d'apporter de l'oxygène dans les océans obscurs d'Europe: l'un deux se base sur les collisions entre les molécules d'eau et les particules accélérées par la magnétosphère jovienne, et l'autre tire partie de la désintégration radioactive des isotopes du potassium. Ainsi, même une vie "aérobie" serait possible sous la croute gelée de ce satellite. Figueredo & al. (2003) ont proposé de rechercher à la surface d'Europe des reliefs et autres marqueurs pouvant être d'origine biologique.

Titan, un monde en devenir...

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Titan est le plus gros satellite de Saturne. Il possède une épaisse atmosphère contenant des molécules organiques (hydrocarbures et nitriles) qui retombent en pluie vers sa surface, comportant probablement des "continents" et des océans d'hydrocarbures. Une reconstitution de l'atmosphère de titan exposée aux rayonnements UV solaires et à ceux résultant de la magnétosphère de saturne a montré la formation d'un solide organique sombre, nommée tholine, présentant les caractéristiques de la brume environnant ce satellite (Sagan & al., 1992).

Les mesures de densité de Titan ont montré qu'il contient, comme les autres satellites de saturne, de la glace d'eau en quantité (Griffith & al., 2003). Si la pression à la surface serait voisine de la pression atmosphérique terrestre, la température de surface est faible (- 180°C) mais on peut calculer que l'énergie libérée par les impacts météoritiques a dû liquéfier transitoirement une grande proportion de la surface du satellite. La tholine, au contact de l'eau, aboutit à la formation d'acides aminés, d'hydrocarbures polycycliques et de quelques bases nucléotidiques, dont l'adénine, qui peut également se former dans l'atmosphère. Il n'est pas impossible que des formes de vie se soient développées dans l'intérieur chaud du satellite, voire sous des formes radicalement différentes de la nôtre (qui ne seraient donc pas basées sur l'eau).

Il faut noter que l'on connaît sur Terre des écosystèmes complets basés sur le méthane, à faible température. Ainsi, des bactéries chimiolithotrophes utilisant le méthane vivent en symbiose avec certains vers tel Hesiocaeca Methanolica dans les gisements sous marins d'hydrates de méthane (à des températures voisines de 0°C et sous forte pression, de 500 à 800 m de profondeur) - Suess & al., 1999. D'autres communautés bactériennes ont été identifiées dans des sources chaudes souterraines (Chapelle & al., 2002) qui titrent leur énergie de l'hydrogène et produisent du méthane...

La sonde Cassini , lancée en octobre 1997, a atteint cet astre, et y a expédié un atterrisseur (Huygens) le 5 janvier 2005. La surface de Titan est cartographiée par un altimètre radar et la magnétosphère de Saturne plus particulièrement étudiée pendant les 4 ans que durera l'activité de cette sonde.

Au vu de son intérêt exceptionnel, j'ai consacré à Titan une importante partie du site accessible ici .

Encelade, du feu sous la glace ?


encelade spectro
Encelade, petit satellite (500 km de diamètre seulement) de Saturne, mérite depuis juillet 2005 de figurer au nombre des sites pouvant abriter une vie extraterrestre. Extérieurement, ce satellite fait penser à Europe, en réduction: il est recouvert d'une croûte gelée relativement récente, car peu marquée par des cratères.
En effet, La sonde Cassini a détectée le 14 Juillet 2005 des « geysers » s'échappant de l'intérieur du satellite glacé au niveau du pôle Sud. La région d'émission a pu être rapprochée d'une structure comportant 4 fissures parallèles (baptisées les « rayures de tigre ») par lesquelles les jets observés ont pu s'échapper. L'existence et la composition de ces jets impliquent la présence de poches d'eau profondes enrichie en matière organique.
Le spectromètre de masse de Cassini a en effet révélé la présence d'eau, de méthane, de CO et de CO2 mais aussi de molécules organiques simples (autour de 20 Daltons) ou plus complexes (autour de 40 Daltons) – voir ici
Bien que la source de chaleur à l'origine de ces poches soit débattue (radio-activité, forces de marées exercées dans le passé du satellite...) leur présence ne fait plus de doute, car elle a été décelée même depuis la surface.

Les jets émis par Encelade constituent une fenêtre ouverte sur les lacs ou l'océan interne du satellite, et pourraient même être utilisé pour détecter d'éventuelles traces de vie en se basant sur leur composition chimique, en particulier en étudiant les gaz accompagnant le méthane, dont l'origine biologique ne peut être, a priori, repoussée (Mc Kay, 2008). Comme le précisent Parkinson & al. (2008), une lune glacée peut subvenir aux conditions nécessaires pour une activité biologique pour peu qu'il existe des échanges et des réactions chimiques entre l'intérieur rocheux et la croûte, et ce pendant quelques millions d'années. La teneur en silicate des poussières provenant des éjectats d'Encelade est en faveur de l'existence de tels échanges. Il est possible que les profondeurs d'Encelade puissent abriter un cycle géochimique propre à entretenir des formes de vies microbiennes, analogue, par exemple, aux bactéries méthanogènes proche de celles découvertes sous 3 km de glace, au Groenland (Tung & al., 2005).

Cassini a confirmé l'existence, le 29 juillet 2005, d'une anomalie thermique au pôle S (voir ici) à l'origine des jets de vapeur qui alimentent ainsi l'anneau E de Saturne. La modélisation des jets observés indique que la région dont ils proviennent possède une température minimale de 190 K ( - 80°C). Cette température correspond à celle attendue pour la formation par cisaillement des failles observées près du pôle sud de l'astre, qui est de 273 K (soit 0°C), ce qui permettrai la libération d'eau liquide à faible profondeur et des échanges chimiques entre la surface froide et les profondeurs chaudes ainsi qu'un recyclage de la croûte en quelques millions d'années. Une analyse détaillée et des observations supplémentaires,


Références:

Mc Kay CP, Porco CC, Altheide T., Davis WL, Kral TA. The Possible Origin and Persistence of Life on Enceladus and Detection of Biomarkers in the Plume. Astrobiology 2008. doi: 10.1089 / ast.2008.0265.
Kieffer SW, Jakosky BM. Planetary science. Enceladus--oasis or ice ball? Science. 2008 Jun 13; 320 (5882): 1432-3.
Parkinson CD, Liang MC, Yung YL, Kirschivnk JL. Habitability of enceladus: planetary conditions for life. Orig Life Evol Biosph. 2008 Aug; 38 (4): 355-69.
Tung HC, Bramall NE, Price PB. Microbial origin of excess methane in glacial ice and implications for life on Mars. PNAS 2005 102:18292-18296; 7/12/2005

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