Les régions polaires

 

IMAGES RADAR: ATTENTION


Les images obtenues par le radar à synthèse d'ouverture de Cassini ne correspondent pas à des images en optique: les zones brillantes peuvent être rugueuses ou en pente, et certaines structures visibles peuvent en fait être profondes, recouvertes par des matériaux transparents aux ondes radar.

Le pôle S dans son entier.  Les structures brillantes sont des nuages (d'azote liquide?). NASA/JPL

Le survol du 23 Septembre 2006 a permis de confirmer l'existence de lacs d'éthane et méthane, comme le montre cette vue (JPL - 60x40 km - vue HR)


Ces 2 lacs sont situés à 73°N, et sont reliés par un canal, et celui de droite, apparemment, serait en train de s'évaporer avec l'arrivée du printemps de Titan N (on distingue vers le haut un bras moins foncé, peut être une marque d'assèchement ?).

Images acquises le 2 juillet 2004 à 340000 km de Titan. Elles mettent en évidence plusieurs reliefs ayant pour origine:

- un drainage par un liquide, creusant des vallées (2 premières images).

- des cassures de la surface (images 3 et 4) qui peuvent s'interpréter comme étant des failles, résultant d'une activité tectonique. Cette activité implique la formation d'un fluide chaud, soit un magma rocheux ancien (ou dont la formation est entretenue par malaxage gravitationnel, comme Io); soit un mélange aqueux surgissant périodiquement à la surface à l'occasion d'éruptions "hydrovolcaniques", ce qui implique également l'existence de "points chauds" à l'intérieur du satellite.


L'image n°3 montre un relief de 1500 km environ, qui me ferait plutôt penser à une vallée creusée par un écoulement de liquide dans des terrains précédemment cratérisés, puis secondairement comblée, partiellement, par des matériaux plus clairs laissant voir, en transparence, le fond noir de la vallée primitive.


La dernière vue, de mauvaise qualité, montre un cratère d'impact.

    Les pôles de Titan se caractérisent par la présence de lacs, d’une couverture nuageuse particulière et une alternance saisonnière marquée qui dirige les mouvements des précipitations d’hydrocarbures et, partant, le remplissage ou l'assèchement des lacs et des mers de ces régions. De nombreux phénomènes d’érosion ont aussi, à l’occasion des précipitations, marqué la surface du satellite.


    Cette image RADAR a été obtenue le 20 décembre 2007 au voisinage du pôle S de Titan (centre de l'image: 76° Latitude S, 32° longitude W) et couvre 600 x 250 km.

J'ai augmenté la luminosité et le contraste de la vue fournie par le JPL, que j'ai recadrée et réorientée (le N est à droite). Vue HR originale ici.


    De nombreuses formations visibles démontrent l'existence d'écoulements de liquides: des lits de rivières et de fleuves, sinueux et nets vers le N, sont accompagnés de zones de drainages moins régulières dans le S, où un terrain très accidenté et découpé pourrait avoir été formé à la fois par des pluies d'hydrocarbures et par l'action souterraine de flots d'hydrocarbures s'échappant du sol ou provoquant des effondrements


    Les larges vallées vues dans la partie méridionale (à gauche) de l'image sont particulièrement intrigantes, car elles apparaissent remplies d'un matériau fluide et sont très précisément délimitées. Ces vallées auraient pu être formées par des processus tectoniques (effondrements, distensions, rifting...) mais aussi par une érosion causée par des écoulements liquides, voire même solides (un mélange d'hydrocarbures et d'eau jouant le rôle des glaciers terrestres).


    Le pôle semble situé au niveau d'une région surélevée par rapport aux terrains plus sombres alentour. L'ensemble montre des traces de nombreux impacts, signalant ainsi que l'érosion doit être bien moindre dans ces régions que sur le reste du satellite.


Les vallées partant toutes du pôle, elles indiquent une fonte saisonnière, un écoulement prenant sa source dans les régions recouvertes de nuages. Cet écoulement est peut-être bien de nature liquide, comme le montre la vue suivante, datée du 6 Juin 2005:


Ci-dessus, cette région polaire (point rouge = pôle S) montre un relief en forme de haricot qui pourrait bien être un (grand) lac de 230 km de long sur 70 de large (en gros la taille du lac Ontario). Ce "lac" pourrait aussi être une simple dépression emplie de matériaux bitumineux sombres. Toutefois, il est situé dans une région très nuageuse, où se produisent d'importants mouvements convectifs et des tempêtes (sur le "film"
disponible sur le site du CICLOPS, on voit distinctement de la brume se former au-dessus de lui). Il pourrait donc bien s'agir d'un lac de méthane formé dans une zone de pluies abondantes.


Lors des prochains survols, l'équipe du JPL  essayera de rechercher des réflexions montrant que l'on est bien en présence d'une étendue liquide.


Le géologue C. Laroubine, spécialiste des impacts météoritiques, pense plutot que ce "lac" est une structure volcanique :


" Autour du "haricot", on voit ce qui semble être un cône (scories) d'aspect peu érodé, donc récent. Celui-ci surmonte une plaine grise (mais ce peut être le cône, il serait alors gigantesque) comportant elle-même deux ou trois structures sub circulaires de couleur noirâtre (bouches de volcans ?).

Alentours de ces bouches des épanchements noirâtres ressemblant fort à des coulées volcaniques et montrant des structures radiculaires.


Au NE du haricot un petit volcan avec un sommet blanc et de grands épanchements sombres en direction du NE. Une sorte de panache blanchâtre étroit de direction ESE fait penser à un nuage de fumée repoussé par un vent venant du WNW. Ce pourrait être aussi une ligne de crête.


Les points blancs les plus importants paraissent être des sommets (volcans éteints) recouverts de glace, ou de neige ou entourés de nuages. Le fait de ne pas avoir de neige autour du haricot militerait pour un relief très récent, voire en activité, sol chaud..


La plaine qui est à gauche de la photo paraît correspondre au relief habituel de Titan avec des formes de réseaux "hydrographiques".

Dans la partie supérieure de la photo, on devine des cratères d'impact météoritiques avec zones d'éjectas claires.

Près du pôle à droite on aperçoit ce qui pourrait être la limite d'un inlandsis avec des dépôts morainiques périphériques. "

D'après C. Laroubine, géologue, le relief en forme de haricot ci-dessous serait en fait une gigantesque caldeira (partie effondrée au sommet d'un volcan) environnée d'un cône de scories récentes.



Une image comparable peut être observée, sur Terre, au niveau du glacier Vatnojökull, en  l'Islande. (faite une recherche chez spotimage)


D'autres interprétations de ces images sont possibles. Ainsi, comme le souligne aussi Pascal P, géomorphologue, il pourrait s'agir d'un lac d'hydrocarbure occupant l'emplacement d'une ancienne caldeira. C'est également mon avis.


D’autres survols permettront d'obtenir de meilleures images.


Les régions polaires Nord: enfin des lacs !


Les images RADAR obtenues à l'occasion du survol des hautes latitudes de Titan le 22 juillet ont révélé l'existence d'objets particulièrement sombres, donc lisses, qui sont interprétés comme étant des lacs d'hydrocarbures (méthane et éthane).


C'est la première fois que des étendues liquides sont observées en dehors de notre planète.

Plusieurs dizaines de ces lacs ont été observés, leur dimension allant de 1 à 100 km de longueur pour le plus étendu, partiellement asséchés et laissant observer son "rivage".


Vues RADAR ci-dessus, obtenues le 22 juillet - JPL


 Ces lacs sont alimentés par tout un réseau "hydrographique" composé de plusieurs vallées et chenaux nettement visibles, certains étant apparemment encore remplis de liquide: les premières rivières de Titan !

La présence de ces lacs contribue à expliquer l'alimentation permanente de l'atmosphère de Titan en méthane. Leur étendue et leur rôle éventuel devraient cependant beaucoup varier selon les saisons de Titan: plusieurs marques indiquent que leur extension est variable dans le temps.


    Le pôle N de Titan sera de nouveau survolé en octobre. D'ici là, Cassini pourra vérifier par des balayages RADAR effectués sous d'autres angles que les taches noires observées sont bel et bien lisses, ce qui confirmera leur nature liquide.


Vues détaillées des lacs

   

Les régions polaires Sud: des structures «lacustromorphes» énigmatiques.


Dans la région polaire S, la compilation des données recueillies durant 5 survol a permis d'identifier une région, par 82°S et 205 °W (image HR), qui ressemble à un lac de plusieurs centaines de km, mais qui présente des caractères nouveaux:

- il apparaît moins sombre (réfléchit donc mieux les ondes) que les autres lacs (le lac "classique présent à l'W permet de le voir aisément, il est noté N sur la vue inversée, à droite)

-
ses bords sont inhabituels. Alors qu'au nord, on retrouve l'aspect d'un rivage, a l'est et à l'ouest ce "lac" est bordé par des chenaux brillants, ramifiés, s'étendant sur des kilomètres. Certains de ces chenaux plumeux semblent se poursuivre dans la zone sombre (j’en ai repassé un en noir sur la vue en couleurs inversée).

 

A titre personnel, je remarque la présence de plusieurs marques d'impact à proximité (cerclés en noir), ainsi que la présence d'une (voire deux, parallèles) faille orientée NW-SE (il me semble bien qu’il s’agit d’une faille, et pas d’un raccord de deux vues différentes). Les cratères, où ce qu'il en reste, possèdent eux aussi un fond sombre. Outre que certains puissent être remplis de liquide, il est possible que l'on observe ici un lac en cours d'assèchement, ou alors un lac contenant un mélange plus transparent aux ondes radar (enrichi en azote liquide ?), permettant d'un apercevoir le fond. Il est possible aussi que les deux failles visibles soient à l'origine de remontée de matériaux profonds ayant modifié cette zone.


Par 76°5 de latitude S et 213°W, Cassini a identifié le 16 juillet 2009 un bassin d'une centaine de km de diamètre environ (ci contre: image JPL/NASA, contraste augmenté par mes soins - Image HR). Les scientifiques du JPL proposent plusieurs origines pour ce relief, qui pourrait être une caldeira s'étant formée par effondrement d'un cryovolcan, un cratère d'impact dans lequel différents matériaux se serait déposés, ou bien un effondrement lié aux mouvements de liquide dans le sous sol. Un chenal tortueux, au fond sombre, semble s’étendre en direction de l’Est.


Photo ci contre, à droite: Par 71° de latitude S et 240°W, Cassini a identifié le 10 juin 2009 cette région (335x289 km) montrant un système de canyons indiquant que des quantités importante de liquide ont érodés la surface, coulant de l'Est vers l'Ouest.

 

Vue en couleur inversée, et annotée par mes soins, de la photo ci contre. Original NASA/JPL.