Cartographie
Cartographie
La surface de Titan est restée énigmatique jusqu'à ce que des instruments puissants, terrestres ou en orbite (HST, ESO, VLT) entrent en activité et soient secondés par des techniques innovantes (optique adaptative). De même, des études de réflectométrie radar ont pallié à l'absence d'un altimètre radar sur les sondes voyager, et ont permis de se faire une idée de la surface de ce satellite. Ainsi, il a été établi dès la fin des années 80 qu'il existait au moins une région particulièrement élevée, un "continent" sur Titan. Les premières "vues" de la surface ont été obtenues en 1990 par le HST, puis en 2001 et 2002 par les télescopes géants Keck II et Gemini North.
Toutefois, les toutes premières informations sur la surface de Titan ont été obtenues par spectroscopie : Griffith et son équipe (Griffith & al, 1991), Utilisant l'IRTF à Hawaii, ont mesuré la "courbe de lumière" de Titan, montrant que l'albédo géométrique de Titan n'était pas uniforme au niveau de la "fenêtre" du méthane (2 µm), ce qui s'opposait à l'existence d'un océan global à la surface. Puis l'analyse de échos radar du VLA (Muhleman & a,l 1995) a confirmé l'existence d'une surface solide et hétérogène.
Ces observations se faisait à une longueur d’onde pour laquelle l’atmosphère Titanienne devrait être transparente, mais sa composition hétérogène ainsi que ses mouvements ne permettent pas d’obtenir une vue claire de la surface.
Au CFHT, grâce au système d'optique adaptative COME-ON+ (Saint-Pé & al., 1993; Combes & al., 1997), une cartographie de la surface a été également réalisée en 1994.
Parmi les premières cartes disponibles, certaines étaient issues des travaux de l'équipe de Peter H Schmith (2001). En Avril 2004, l'ESO a publié les résultats remarquables obtenus grâce aux techniques d'optique adaptative adaptées sur le VLT.
Mathieu Hirtzig, du Laboratoire de Planétologie et de Géodynamique de Nantes m'a aimablement signalé que l'équipe de son laboratoire (Combes, Coustenis, Drossart, Gendron et Hirtzig) a été l'une des première à utiliser l'optique adaptative au CFHT et est à l'origine de la mission d'observation du VLT à laquelle s'est jointe l'ESO Team.
Carte des régions centrales de Titan (entre 40 ° de latitude S et 50 ° N - Contrairement à la majorité des cartes astro, l'Est est à droite). Cette carte a été obtenue par des observations à 0,94 µm de longueur d’onde, dans la “fenêtre” du méthane, par le HST Team. Pour la réaliser, sept images espacées de 7 heures ont servit à localiser les nuages de l’atmosphère et à suivre leur dynamique. 7 autres images, espacées de 32 h, ont permis de couvrir l’essentiel de la surface. L’image de fond des nuages obtenue précédemment a été soustraite de celle obtenue dans la deuxième campagne d’observation. Les images obtenues ont été compilées, contrastées, ajustées entre elles et lissées. Les structures n’ont été conservées que si elles été visibles sur plusieurs images.
Malgré ces précautions, l’équipe de recherche admet que certaines des structures brillantes cartographiées peuvent être des nuages, et que les faibles différences de contraste ne sont guère significatives. En effet, le contraste original des images n’était que de 4% en moyenne.
L'atmosphère a été supposée régie par une symétrie cylindrique, inchangée au cours de la rotation de Titan, ce qui implique que tout motif surfacique constant sur une bande de latitude donnée (calotte polaire, massif montagneux, champ de lacs ou de dunes, océan asséché ou autre) est éliminé.
Image HST/JPL/NASA
Ci dessus: carte de Titan obtenue depuis le sol par L'équipe d'A. Coustenis. (Coustenis & al., 2005)
Le sol de Titan semblait se partager, sur ces premières cartes, entre des "continents" de glace d'eau ou de CO2, et des océans de méthane et d'éthane enrichis de composés organique formant une "soupe carbonée" contenant tous les éléments nécessaires à l'apparition de la vie, mais à trop basse température, identifiées aux régions les plus sombres sur les images du HST. La surface pouvait aussi être soit très poreuse, marquée de cratères, que les fluides y soient enfouis ou forment des lacs emplissant les cratères d'impact les plus marqués.
En analysant les occultations des signaux de la sonde voyager, (Mc Kay & al, 1997), il semble que la teneur en méthane liquide à la surface de Titan puisse être comprise, selon les hypothèses retenues pour la composition de la troposphère, entre 8 et 85 %; avec un maximum de probabilité pour 60 %. Toutefois, le recoupement de ces données avec celles obtenues depuis la Terre laisse penser que les étendues liquides à la surface de Titan doivent être inférieures à cet optimum (peut être du fait de la localisation interne de certaines nappes d'hydrocarbures). Cassini confirma cette rareté des étendues liquides.
Un nouvel instrument d’observation, le SDI (Simultaneous Differential Imager) adapté sur le NACO (système d’optique adaptative corrigeant en temps réel la turbulence causée par l’atmosphère terrestre) à permis a une équipe de l’ESO (ESO team - cf références) d’obtenir ces images de Titan, les plus précises jamais réalisées (et qui démontrent une fois de plus le potentiel des télescopes “au sol”).
Les images ci contre ont été réalisées grâce au telescope Yepun du VLT (8,2 m de diamètre).
Le SDI permet d’obtenir des images précises en traitant simultanément 3 longueurs d’onde différentes (il est destiné à la recherche d’exoplanètes). Les observations ont été réalisées en même temps :
- dans 2 longueurs d’onde IR pour lesquelles l'atmosphère de Titan est transparente.
-dans une longueur d’onde correspondant à l’atmosphère.
En comparant cette technique à celle utilisée 3 ans avant par Smith & al., il est aisé de comprendre que l’”effacement” de l'atmosphère des images est ici bien plus précis, les mesures ayant été simultanées, et non pas séparées dans le temps.
La carte des réflectivité obtenue est donc quasiment exempte d’artefact d’origine atmosphérique.
Ces images ont été réalisées entre le 2 et le 8 février 2004 grâce au Télescope Yepun du VLT (8,2 m de diamètre) opérant à 1575 µm (IR proche). Ce sont les meilleures images de la surface obtenues.
Comme la rotation de Titan est synchronisée avec sa période de révolution, l’observation de la totalité de sa surface nécessite une orbite entière (16 j). Le temps d’observation disponible a permis de cartographier 3/4 de la surface. La camera SDI a permis de soustraire efficacement les composantes atmosphérique des images obtenues (cf + haut).
Attention: cette carte n’est pas une carte topographique mais une carte de la réflectivité des structures du sol à une longueur d’onde unique: elle ne correspond pas à ce que nous verrions à l’oeil nu (ceci est assez peu signalé dans les revues de vulgarisation) et la nature des structures observées reste sujette à débat entre spécialistes.
Ces observations dans l’IR couplés à la réflectivité radio mesurée grâce au radiotélescope d’Arecibo ont permis de suposer que les régions sombres correspondent bien à des hydrocarbures liquides. Les régions les plus claires seraient des plateaux recouverts de glaces. On peut remarquer l'excellent accord avec les résultats du HST team, qui présente l’avantage de couvrir les 1/4 de Titan non cartographiés par l’ESO.
L’ ESO-team a baptisé quelques structures sombres de noms pittoresques comme le “H penché”, le “chien”, la “balle” et la “téte de dragon”. Il est permis de penser que l’UAI ne conservera pas ces nom pourtant significatifs (Amusez vous à les retrouver sur les clichés!). Ci dessous comparaison de deux vues, l'une acquise par Cassini en orbite, l'autre par le VLT et son instrument NACO, et une suite de clichés obtenus en février 2005.
En combinant les résultats de l'ESO et de l'HST, on en vient à remarquer que l'hémisphère Sud de Titan possède plusieurs "continents" (2 sont de grande taille, ) alors que l'Hémisphère Nord est de nature plus "océanique". Toutefois, les incertitudes sont fortes en ce qui concerne cet hémisphère: comme le signale M. Hirtzig :" il est impossible pour l'instant d'imager à grande résolution cette région (à cause de la nuit polaire), mais même dans 7 ans le pôle sera encore trop proche du limbe de Titan (depuis la Terre) pour être imagé correctement, car l'élimination de la composante atmosphérique (même par SDI ou FPI) sera difficile. Les seules réponses que nous pourrons obtenir à ce sujet seront données par VIMS, ISS et RADAR à bord de Cassini."
Sous le "continent" H penché (une "mer", en fait) un terrain sombre très allongé et fin me fait penser à une grande vallée type vallis marineris.
Les régions polaires de Titan pourraient, selon moi, receler des lacs d'azote liquide (ce qui sera difficile à confirmer puisque l'azote liquide est complètement transparent en spectroscopie IR), ce dernier s'infiltrant en profondeur et finissant pas se vaporiser au contact de l'intérieur plus chaud du satellite, il se pourrait que ces régions soient le lieu d'éruptions d'azote comparable, dans leur aspect, aux geysers terrestres. L'existence de phénomènes liés au volcanisme sur Titan a déjà été envisagée (Kereszturi, 2004),et pourrait avoir pour conséquence l'existence de "points chauds" sous lesquels la température permettrait une évolution moléculaire prébiotique, voire plus. Il est également possible que des "éruptions" soient causées par de simples variations de pression sans que la température ne joue un rôle prépondérant.
Image HST/JPL/NASA
La première carte de la surface de Titan, obtenue par l’équipe de P.H. Smith (HST team - cf références) à partir de 14 séances d’observations au moyen de la camera planétaire à grand champ (instrument WFPC2) du télescope spatial Hubble.
Smith & al. ont observé Titan entre le 4 et le 18 Octobre 2001 dans le proche infrarouge: à des longueurs d’ondes comprises entre 0,85 et 1,05 µm, l’atmosphère de Titan est transparente et permet d’apercevoir le sol. Les plus petits détails visibles ici ont une taille de 600 km environ.
Les couleurs obtenues ne résultent que d’un traitement qui classe les différentes parties de l’astre selon leur réflectivité IR. Aussi, il n’est pas possible de savoir à quoi correspondent physiquement les régions sombres ou brillantes, mais il est évident que la surface du satellite n’est pas entièrement, comme certains le pensait, recouverte d’océans! Les observations ultérieures du HST team conduisent à penser que les structures les plus brillantes seraient des grands cratères d’impact ayant dénudé un sol de glaces et de roches mêlées.
Cassini/Huygens a infirmé cette idée début 2005, montrant que les grands cratères d'impacts sont rares sur Titan. Les zones brillantes sont en réalité constituées de glaces nettoyées par des précipitations.
Les pôles n’ont pu être cartographiés à cause de l’inclinaison de la surface du satellite à ce niveau ainsi que de l’épaisseur plus grande de d’atmosphère à traverser.
1 Guabonito, 2 Kerguelen facula, 3 Santorini Facula, 4 Veles, 5 Vis facula, 6 Tortola facula, 7 Crete facula, 8 Nicobar facula, 9 Oahu facula, 10 Mindanao facula, 11 Shikoku facula.
Familiarisons nous avec les faculae et les virgae !Visiblement, les ingénieurs du JPL se sont inspirés de la mythologie précolombienne (ou indienne ?) ainsi que des îles de la Terre...
PH. Smith a réalisé une animation montrant une rotation de Titan (nécessite quicktime)
La vue ci dessus a été prise lors du survol du 30 Mars 2005. Elle montre pour la première fois le "continent H" comme l'avait appelé les membres de l'ESO team qui avait observé Titan avec le VLT.
J'ai "nettoyé" un peu cette image raw et ajouté, en bas, la vue obtenue depuis la Terre grâce au télescope Yepun et à son système d'optique adaptative: les progrès de l'astronomie au sol apparaissent ainsi plus nettement !
Comparaison des vues de Titan obtenues “sur place” par Cassini et, depuis la Terre, par l’instrument NACO SDI du VLT.
Le 29 janvier 2009, la NASA a publié une version de la cartographie de Titan intégrant les zones polaires ainsi que les modifications survenues sur le terrain en une année d’observations (signalées en bleu)
Les données utilisées ont été compilées entre avril 2004 et août 2008. Cliquer sur la carte pour vue HR.