Un peu d’Histoire...

 

    Titan a été découvert en mars 1655 par l'astronome et opticien néerlandais Christiaan Huygens, brillant physicien qui a laissé son nom à un type d'oculaire. De magnitude 8,3, Titan est visible dans les plus modestes instruments d'astronomie comme une étoile jaunâtre brillante près de Saturne.

    Toutefois, Galilée ne le découvrit pas lorsque, en 1610, il observa cette planète: la qualité de l'objectif de sa lunette, grossissant 30 fois à peine, était si médiocre qu'il ne pu même pas obtenir une image claire des anneaux de Saturne, dont il prit l'image déformée pour celle de deux satellites.
    Ce fut donc 45 ans plus tard que Huygens découvrit non seulement Titan, mais aussi les anneaux: "
la planète est entourée d'un anneau mince et plat, ne touchant nulle part la planète, et incliné par rapport à l'écliptique ". Il publia ses découvertes, dont la première détermination de la période de révolution de Titan (mesurée par lui à 15 jours 22h et 41 min 11s, soit avec une erreur de... 13 s seulement), dans un ouvrage paru en 1659, systema Saturnum.

    Par la suite, les astronomes eurent surtout à coeur l'étude du remarquable et énigmatique système des anneaux et les satellites passèrent au second plan: périodiquement, lorsque les anneaux devenaient peu visibles, de nouveaux satellites de Saturne étaient découverts. Il en fut ainsi pour Japet et Rhea, mais aussi pour la plupart des nombreux satellites du "seigneur des anneaux" (cf tableau).

    C'est W. Herschel (ainsi que son fils John) qui donna leur nom définitif aux 7 satellites de Saturne connus à son époque en s'inspirant des noms des Titans mentionnés par Hésiode dans sa théogonie. Titan fut ainsi baptisé parce qu'il était le plus brillant des "enfants de Saturne".


Une représentation à l'échelle des enfants de Saturne! De gauche à droite: Pan, Atlas, Prométhée et Pandore, Janus et Epiméthée, Mimas, Encélade, Telesto, Calypso et Tethys, Dioné (Helène est invisible à cette échelle), Rhea, Titan himself puis Hypérion, Japet et Phoebe. Infographie JPL

 

Une atmosphère mystérieuse.

    L'astronome Catalan JC Solà a été le premier à suspecter l'existence d'une atmosphère épaisse sur Titan (Solà, 1905) en se basant sur les différences d'intensité lumineuse entre le centre brillant et les bords plus sombres du satellite. Il fit l'hypothèse que la lumière réfléchie au bord du satellite était affaiblie par une épaisseur d'atmosphère supérieure à celle franchie par la lumière renvoyée par le centre du disque.

    C'est à la suite de cette observation que Sir James Jeans, en 1925, montrera que, la gravité de Titan étant insuffisante pour retenir une épaisse atmosphère, la présence de cette dernière devait impliquer une très faible agitation thermique, donc une basse température (ainsi que, comme nous le verrons, une dynamique de renouvellement des gaz). Sir Jeans donna ainsi une limite à la température de l'atmosphère Titanienne, qu'il calcula comprise entre - 213 et - 173 °C. Il montra également que, dans cette plage de température, les éléments de poids atomique inférieur à 16 ne pouvaient perdurer dans l'atmosphère de Titan, car sa gravité n'empêchait pas leur évasion dans l'espace.

    La première preuve indiscutable de l'existence d'une atmosphère sur Titan fut l'obtention de la signature spectrale du méthane en 1944 par Gerard Kuiper. Ce dernier propose aussi que la couleur orange de Titan soit due aux interactions entre sa surface et les gaz de son atmosphère. De nombreux astronomes pensent alors, comme Kuyper, que Titan est un monde semblable à Mars, avec une atmosphère peu épaisse laissant apercevoir sa surface. En 1961, Audouin Dollfus essai de cartographier le satellite à l'aide du télescope de 60 cm (à présent disponible pour les amateurs) du pic du Midi. La même année, des travaux de photométrie, précisés en 1973 (Veverka, Zellner), vont démontrer l'existence d'une atmosphère épaisse, opaque et parcourue de nuages.

    Jusqu'aux missions voyager, les connaissances progressent donc peu, de nombreuses interrogations se faisant jour sur la densité, la température et la composition précise de ce manteau gazeux aussi froid que singulier. On doit toutefois remarquer, en 1971,  les travaux de Carl Sagan qui prédisent l'existence de molécules organiques complexes  dans l'atmosphère du satellite.

    La première sonde spatiale a atteindre Titan a été Pioneer 11 le 3 septembre 1979. Une des premières photos prises, malgré sa qualité médiocre, permit de constater que la luminosité du satellite n'était pas égale: un des hémisphères semblait plus brillant que l'autre.

    A la fin des années 70 (Voyager 1 atteint le système saturnien en novembre 80), plusieurs modèles concurrents se proposaient de décrire l'atmosphère Titanienne:

  1. J. Caldwell et R. Danielson proposaient une atmosphère ténue (0,02 bar de pression au sol) composée à 90 % de méthane pour une température au sol de - 190 °C.

  2. D. Hunten, en se basant sur des réflexions radars, proposait une épaisse atmosphère (20 bars de pression au sol) composée à 90 % d'azote et d'hydrogène moléculaire, donnant une température au sol de -70°C . Ce modèle permettait que se déroulent de nombreuses réactions chimiques comparables à celles ayant eu lieu dans l'atmosphère primitive de la Terre.

  3.     T. Owen et WJ Jaffe, à l'aide d'observations menées à l'aide des radiotélescopes du VLA, penchaient en faveur d'une atmosphère contenant une quantité de N2 maximum correspondant à 2 bars, pour une température de - 186 °C.

  

Les instruments des sondes voyager (et en particulier les spectromètres IR) allaient infirmer, dans le détail, chacun des modèles présentés, mais c'est celui de Hunten qui, de loin, s'approchait le plus de la vérité.

Saturne par Galilée - 1610

premier dessin représentant les anneaux

Dessin de JC Solà  représentant la réflexion irrégulière de la lumière par le disque de Titan, indice de la présence d’une atmosphère. 13 août 1907.

Photo de Titan le 3/09/1979 par Pioneer 11, à 3,6 millions de km. JPL - NASA

Huygens, en 1655, et Herschel en 1789.

L’astronome Carl Sagan, les missions Voyager, le télescope spatial Hubble, la mission Cassini-Huygens ainsi que le VLT; autant d’étapes dans la connaissance de Titan...